FONTAINE. Notes sur la mortalité des troupes d'infanterie et d'artillerie de marine casernées en Cochinchine (1890 à 1896). Annales d'hygiène et de médecine coloniales (1898), p. 114-129

Identifiant

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Auteur

FONTAINE

Personne

Discipline

Médecine et hygiène coloniales

Type de données

Ressources textuelles

Langue du document

Français

Nom abrégé de la revue

Annales de médecine coloniale

Nom détaillé de la revue

Annales d'hygiène et de médecine coloniales

Editeur de la revue

Imprimerie nationale Octave Doin, place de l'Odéon, Paris

Date de parution

1898

Nombre de pages

16

Pathologie

paludisme
hépatite chronique
diarrhée
diarrhée chronique
anémie
congestion
atonie
choléra
fièvre paratyphoïde
ténesme
vomique
astringence
bicarbonate de sodium
brûlure
douleur
faciès
fièvre intermittente
inflammation muqueuse
lésion pulmonaire
maladie infectieuse
médicament
tuberculose

Coordonnées géographiques

[10.82302,106.62965#Saïgon]
[14.64504,107.5462#Indochine]
[22,105#Tonkin]
[28,3#Algérie]
[28,3#Constantine]
[34,9#Tunisie]

Licence

Licence ouverte - BIU Santé (Paris)

URI fascicule

https://www.nakala.fr/nakala/data/11280/a4a63bb7

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Cle

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Fichier Texte

114 NOTES SLR LA MORTALITÉ DES TROUPES D’INFANTERIE ET D’ARTILLERIE DE MARINE GASERNÉES EN COCHINCH1NE ( 1890 À 1896 ) , par le Dr FO N TA IN E (1), MÉDECIN PRINCIPAL DES COLONIES. Ce travail n’est pas un travail de statistique, il est trop incomplet pour mériter une telle dénomination. C’est un simple relevé de la moyenne des décès qui se sont produits, de 1890 à 1896, dans nos troupes de marine casernées en Cochinchine. Les constatations qui seront faites pour ce pays pourront s’étendre à toutes celles de nos colonies où l’action militaire n’existe plus. Elles démontreront que, grâce aux progrès de l’hygiène, grâce aux installations plus confortables et au bien-être plus grand donné à nos soldats, la mortalité des troupes coloniales tend à diminuer. Elles seront une preuve des efforts tentés par les pouvoirs publics, des progrès immenses réalisés et nous donneront l’espoir de voir, dans un avenir plus ou moins lointain, W Peu de temps après que le D1' Fontaine nous avait remis ces notes, il succombait, enlevé par une affection contractée au Tonkin où il avait séjourne pendant cinq années consécutives. ( L a R é d a c tio n .) NOTES SUR LA MORTALITÉ. 115 quelques-unes de nos possessions devenir des colonies de peuplement, de colonies d’exploitation quelles sont aujourd’hui. La Cochinchine, plus qu’aucune autre, permettait de se rendre compte des résultats acquis. L’étude de Statistique médicale de la Cochinchine {1861-1688), publiée dans les Archives de médecine navale et coloniale, nous laissait la faculté' d’établir, à coup sûr, des comparaisons utiles. D’autre part, la Cochinchine a toujours conservé, pour nos troupes, une réputation d’insalubrité justifiée au début, par la mortalité énorme qu’on y avait relevée (115 pour 1000 en 1861). Les chiffres inscrits dans les tableaux qui vont suivre ont été extraits des statistiques annuelles scrupuleusement établies par M. le médecin en chef des colonies Lecorre, chef du service de santé en Cochinchine. Ils ont été, en majeure partie, contrôlés à l’aide des rap­ ports conservés dans les archives du Conseil supérieur de santé des colonies. MORTALITÉ DUS TROUPES D’INFANTERIE DE MARINE ET D’ARTILLERIE DE MARINE CASERNEES EN COCHINCHINE (189O À 1897).IN F A N T E R I E DE MARINE. A R T I L L E R I E DE MARINE.ANNÉES. Effectif.Nombre total des décès.Mor­ talité pour 1000 . Effectif.Nombre total des décès.Mor­ talité pour 1000 .1890............................ 1 .7 0 0 18 io.58 3&0 3 13.00 1891............................ 1,300 7 5.83 s5o 7 a8.oo 1892............................ 9 0 0 9 10 . 0 0 s5o 3 13.00 1893............................ 85o 9 1 o.58 3oo 3 10.00 189A............................ 1,000 5 5 . 0 0 350 a 1 6 . 0 0 1895............................ 1,100 9 8 . 1 8 3oo A i3.33 1890............................ 1,100 31 »9-99 35o 8 3a.85 T o t a u x ....................... 7 ,8 0 0 78 9 . 9 3 i,c)5o 3a 1 G .i1 L’absence complète de tout renseignement relatif à la morbidité de ces troupes ne manquera pas de frapper le lecteur, 8 . 116 FONTAINE. mais, comme il a été dit plus haut, il n’a pas été fait ici exclusivement œuvre de statistique. Pour pouvoir, en effet, se rendre un compte exact de la morbidité des troupes aux colonies, il serait indispensable d’indiquer, non seulement la morbidité hospitalière, mais aussi celle des infirmeries de garnison. Or, cette dernière nous fait complètement défaut. D’après les statistiques établies par M. le Dr Bonnafy, la mortalité moyenne des troupes eu Cochinchine avait été, de 1872 à 1884, de 22 pour 1000. Durant les six dernières an­ nées (1883 -1888 ), elle était descendue à 20 pour 1000. En 1888, elle était encore de 24 pour 1000. La léthalité a donc subi, de 1890 à 1896, une importante atténuation, puisqu’elle n’est plus que de 9.93 pour 1000, pour les troupes d’infanterie de marine, de 16.41 pour 1000 pour celles de l’artillerie, et pour les deux armes réunies, de 11.22 pour 1000 (1). Toutefois, il est nécessaire d’ajouter que cette proportion encore élevée est due à une cause d’erreur fortuite, résultat du nouveau mode de rapatriement des convalescents du Tonkin. Celte cause, qu’il n’a pas été possible d’éliminer, n’a porté que sur l’année 1896. On est frappé, en effet, en lisant le tableau ci-dessus par l’écart qui sépare la mortalité de 1896 de celle des années précédentes, alors surtout qu’aucune épidémie ne peut être invoquée, pour expliquer cette aggravation. Celte différence est due à ce que les vingt-neuf décès de 1896 comprennent un certain nombre de soldats du Tonkin, morts à leur passage à Saigon où ils ont dû être débarqués, leur état s’étant aggravé pendant la traversée du golfe. I*) La mortalité des Iroupes de l’Algérie et de la Tunisie a été, en 1895, la suivante :Division / d’Alger........................................... 9.71 p. 1000 . ) de Constantine............................... 1 1 . 12 de Tunisie..................................... 11.1 4 d’Oran........................................... 1 4.92 (Extrait de la S ta t is t iq u e m édicale de l ’arm ée p e n d a n t l ’année 18g 5 . ) NOTES SUR LA MORTALITÉ. 117 Avant 1896, les malades de l’Indo-Chine étaient rapatriés sur des transports ou des bateaux affrétés uniquement pour ce service. Ces vapeurs ne s’arrêtaient dans les escales que le temps strictement nécessaire pour leur ravitaillement en vivres et en charbon et pour l’embarquement des passagers. Actuellement le système est complètement modifié. Les transports et les affrétés réguliers ont été supprimés et l’Administration s’est trouvée conduite à embarquer ses malades sur les bateaux faisant un service de cargo-boat. Ces vapeurs chargeant des marchandises en cours de route s’arrêtent souvent à Saigon, cinq et six jours en moyenne à l’aller et au retour. Afin d’éviter aux hommes les fatigues résultant d’un séjour sur rade, dans des conditions particulièrement défectueuses, les malades sont dirigés sur l’hôpital, les valides sur la caserne. Il en résulte une augmentation momentanée dans la morbidité et la mortalité hospitalières. Au départ du vapeur, les malades dont l’état s’est aggravé sont gardés à l’hôpital de Saigon et viennent souvent élever le chiffre des décès. Malgré cette augmentation, l’amélioration constatée dans la santé des troupes n’en reste pas moins très sensible. Un autre fait qui ressort de la lecture de ce tableau est la différence de la mortalité des troupes d’infanterie de marine et de celle de l’artillerie (9.93 pour les premières, 16.ôi pour les secondes). Cette constatation se rencontre dans presque toutes nos colonies et l’on cherche en vain, dans le recrutement, l’organisation de ces corps, leur installation et leur bien-être, la raison de celte mortalité plus grande des troupes d’artillerie. On peut l’expliquer par ce fait que la plupart des artilleurs sont employés, en dehors de leur service militaire proprement dit, à des travaux de construction et de surveillance qui les exposent davantage à l’action déprimante du climat. D’autre part, leur solde se trouvant ainsi accrue, il leur est plus loisible de se livrer à des écarts de régime que la faible 11 8 FONTAINE. rémunération du fantassin ne lui permet pas de se payer; d’où une augmentation dans la morbidité et la mortalité de ce corps. CAUSES DES DÉCÈS. Les causes des décès ont été divisées en trois groupes : ma­ ladies épidémiques, maladies endémiques, maladies sporadiques et autres. Les deux premiers groupes ont été totalisés ensemble; ils représentent la mortalité attribuable aux seules influences morbides spéciales aux pays chauds. Ils nous donnent la proportion vraie des décès qui, on peut le dire, n’existeraient pas si les soldats n’avaient pas quitté le sol de la France. Le troisième groupe comprend toutes les affections sporadiques, chirurgicales, vénériennes ou autres, pour lesquelles on ne saurait incriminer le climat. Comme le prouvent les chiffres du tableau ci-dessous, la proportion des décès résultant de ces maladies est inférieure à celle relevée en France; elle atteint à peine 2.25 pour 1000. La mortalité générale de l’armée a été, en 1895, de 6.86 pour 1000. Celte proportion plus faible est due à ce que, avant leur départ pour les colonies, les soldats doivent subir un examen médical attentif destiné à éliminer toutes les non-valeurs au point de vue colonial. On ne saurait trop recommander aux médecins chargés de cette visite l’examen scrupuleux des organes respiratoires, cause assez fréquente des décès et des rapatriements anticipés. Les climats torrides, en effet, sont funestes aux malades atteints du côté des poumons, la force de résistance de l’organisme se trouvant déjà diminuée par l’effet déprimant de la température. Aussi, la tuberculose, loin de s’amender, reçoit- elle, dans les pays tropicaux, un coup de fouet et progresse- t-elle d’une façon rapidement inquiétante, même chez ceux qui ne présentaient à leur départ que des signes négligeables. Comme l’avait magistralement énoncé en 1887, devant le NOTES SUR LA MORTALITÉ. 119 Congrès de Vienne, M. l’inspecteur du service de santé des colonies Treille, « l’hématose se trouve normalement réduite dans les pays chauds, par suite de la seule tension de la va­ peur d’eau atmosphérique». On se demande, dès lors, ce qu’elle devient chez celui dont le champ respiratoire est amoindri par suite d’une lésion pulmonaire. c a u s e s d e s d é c è s . A. In fa n te r ie de m a r in e . AN N ÉES . ÉPIDÉMIQUES.M A L A D IE S ENDÉMIQUES. SPORADIQUES e t autres. 1890..................................... q 13 3 1891..................................... 3 5 / 1892..................................... 1 7 1 1893..................................... // 6 3 I89A..................................... // 5 II 1895..................................... 3 5 3 1890..................................... 1 >7 3 T o t a u x ...................................... 8 58 1 3 6 6L’effectif de ces troupes ayant été, pour ces sept années, de 7 , 8 5 o , la mortalité imputable à la colonie a donc atteint la proportion de 8.60 pour 1000. B. A r t i l le r i e de m a r in e . ANNÉES.ÉPIDÉMIQUES. M A L A D IE S ENDÉMIQUES. SPORADIQUES e t autres. 1890..................................... Il 3 il 1891..................................... II /i 3 1892..................................... II 3 1 1893..................................... II 3 1 I89A..................................... II A II 1895..................................... II 3 3 1896..................................... 3 3 3 T o t a u x ...................................... 3 3 0 10 3 3 1 2 0 FONTAINE. L’effectif de ces troupes ayant été, pour ces sept années, de i ,95o , la mortalité imputable à la colonie a donc atteint la proportion de 11.28 pour 1000. Pour les deux armes réunies, la proportion est de 9 pour 1000. Maladies endémiques. — Les maladies endémiques ayant à elles seules causé les deux tiers des décès, il a paru intéressant de relever en détail les affections spéciales qui les ont occasionnés. Les tableaux suivants donnent ces indications :R É P A R T I T I O N D E S D E C E S D U S À D E S M A L A D I E S E N D E M I Q U E S .A. In fa n te r ie de m a r in e .M AL A D IES . 1890. 1891. 1892. 1898. 1894. 1895. 1896. TOTAUX. Dysenterie et diarrhée chronique P'.............. 10 A 3 3 1 1 10 3a Paludisme..................... 2 1 A 1 A 3 2 >7 Hépatite suppurée........ 1 n // 2 / 1 5 9 T o t a u x .......................... i3 5 7 6 5 5 >7 58 O La diarrhée chronique a entraîné six décès durant ces sept années dans les troupes d'infanterie de marine. L’effectif de ces troupes ayant été de 7,85 o, nous obtenons comme proportion des décès dus à ces différentes affections : Dysenterie et diarrhée....................................... 4. 00 p. 1 0 0 0 . Paludisme.......................................... 2 . 16 Hépatite suppurée............................................. l . 14 La mortalité totale pour l’infanterie ayant été de 78(voir tableau n° 1), nous voyons que la dysenterie a causé, à elle seule, près de la moitié des décès, le paludisme un quart, l’hépatite un huitième. NOTES SUR LA MORTALITE. 121 R. A r t i l le r ie de m a r in e . MALADIES. 1890. 1891. 1892. 1893. 1894. 1895. 1896. TOTAUX. Dysenterie et diarrhée chronique h)................ 9 3 // l 2 1 3 19 Paludisme...................... 1 1 O // 2 1 // 7 Hépatite suppurée......... // // U 1 // // // 1 Tot aux.................... 3 h g 2 h 2 3 90 (') La diarrhée chronique a entraîné trois décès durant ces sept années dans les troupes d’artillerie de marine. L’effectif de ces troupes ayant été de 1,960, nous obtenons comme proportion des décès dus à ces différentes affections : Dysenterie et diarrhée.......................................... 6.15 p. 1 0 0 0 . Paludisme 3.58 Hépatite suppurée.. . . ..................................... o.51 La mortalité totale de l’artillerie avant été de 32 (voir tableau n° 1), nous voyons que la dysenterie a causé, à elle seule, plus du tiers des décès, le paludisme plus du quart, l’hépatite suppurée un trente-deuxième. Les maladies endémiques qui ont entraîné des décès sont donc au nombre de trois : la dysenterie et la diarrhée chronique que nous avons réunies ensemble, l’une étant souvent la résultante de l’autre, le paludisme sous toutes ses formes, l’hépatite suppurée. La moitié de la mortalité peut être attribuée à la dysenterie seule. Elle reste, par suite, l’affection dominante en Cochinchine. Elle a cependant perdu une grande partie de sa gravité et de sa fréquence, grâce aux mesures d’hygiène prises à Saigon et à la distribution d’une eau de bonne qualité. L’extrait suivant du rapport de M. le médecin en chef des colonies Aymé (année 1896) démontre mieux que nous ne saurions le faire la réalité de cette amélioration : ft La dysenterie existe toujours, mais elle devient de jour en jour plus rare, plus bénigne, de moins en moins rebelle à nos 12 2 FONTAINE. médications. Avec du lait, de l’ipéca et de la patience, on en vient presque toujours à bout, si l’on est consulté à la période du début. Autrefois, tout dysentérique était condamné au rapatriement immédiat, sinon sa maladie passait à l’état chronique et aboutissait à cette sclérose de l’intestin presque fatalement mortelle. «Actuellement on peut traiter une dysenterie aiguë franche et ne pas imposer le retour en France. «La dysenterie chronique est, par suite, bien moins fréquente. Aussi on ne voit plus que rarement dans nos hôpitaux et sur nos transports ces types autrefois si caractéristiques de malades entièrement vidés par des flux intestinaux rebelles, réduits au dernier degré de misère physiologique. Les quelques cas qu’on rencontre proviennent de certains postes très isolés de l’intérieur. Ce sont, en général, de petits fonctionnaires ayant une installation médiocre, un régime défectueux et qui, malades, s’entêtent à ne pas rentrer en France. « En dehors de ces cas assez rares, la plupart des dysenteries chroniques signalées dans les statistiques ne sont que des rectites assez tenaces qui succèdent à des dysenteries aiguës bénignes, ou plus souvent encore qui sont le résultat de l’atonie intestinale et de la coprostase. Cette redite a été merveilleusement étudiée et décrite par Lalluyeaux d’Ormay en Cochinchine. Il est intéressant de ne pas la confondre avec la dysenterie vraie, dont elle n’a pas le caractère infectieux, parce qu’elle entraîne un pronostic plus favorable et qu’elle exige un traitement tout différent et un régime entièrement opposé. «Avec un peu d’attention, il est facile de la distinguer, il suffit de ne pas se contenter pour faire son diagnostic de l’examen des selles et d’examiner aussi avec soin son malade. «L’état général reste bon dans la redite, le facies à peine altéré, la peau fraîche, à part la paume des mains qui donne parfois une sensation de chaleur moite, sans élévation de la température centrale. La langue est à peine saburrale, surtout du côté de la base, l’appétit est conservé, le ventre souple, non rétracté, peu douloureux, excepté au niveau de l’S iliaque NOTES SUR LA MORTALITE. 123 où l’on constate sur un point limité, une sensibilité obtuse et un empâtement profond dans lequel une palpation minutieuse et prudente fait reconnaître une véritable tumeur, un amas de matières fécales durcies, dans un gros intestin dilaté. Si on explore ensuite délicatement avec la pulpe des doigts, le colon descendant, le colon transverse, le colon ascendant et la région cœcale, on constate partout l’absence de douleur, une souplesse parfaite de la paroi abdominale, tandis que dans la dysenterie, les muscles se contracturent brusquement, déplaçant visiblement l’ombilic sous l’influence de la moindre pression dans le voisinage des ulcérations intestinales. On doit attacher une grande importance à cette palpation du gros intestin, aussi utile dans la dysenterie que dans la rectite, parce qu’elle permet souvent à elle seule de faire le diagnostic différentiel et qu’elle indique d’une façon assez précise le siège des principales lésions. L’examen des selles est souvent trompeur, car dans la rectite, au début, on trouve, comme dans la dysenterie vraie, des selles entièrement composées de mucosités glaireuses et sanguinolentes. «Le ténesme rectal et le ténesme vésical sont plus fréquents, plus douloureux que dans la plupart des dysenteries. Les coliques, en revanche, sont plus rares et les tranchées, sur le trajet du colon transverse n’existent pas. Elles sont remplacées par de gros gargouillements indolores qui remontent dans le gros intestin et le parcourent de gauche à droite, de l’iliaque au cæcum. «Tous ces symptômes ne sont pas assez caractéristiques pour entraîner toujours le diagnostic, mais il existe un moyen in­ faillible de dissiper tous les doutes, c’est le grand lavement, le grand lavage à l’eau chaude du rectum. «Si l’on injecte, par une sonde en caoutchouc rouge intro­ duite aussi haut que possible, un ou deux litres d’eau aseptique à la température de Zio°, en procédant avec lenteur, le malade couché sur le côté gauche, on détermine, au bout de quelques minutes, l’expulsion d’un bloc fécal plus volumineux que le calibre d’un intestin normal, ou d’un amas de scybales dures, maronnées, recouvertes de mucosités. Sans hésitation, après 124 FONTAINE. une constatation pareille, on peut affirmer qu’on se trouve en présence d’une redite et non d’une dysenterie. « Traitement. — Le régime lacté, qui fait merveille dans la dysenterie, produit des résultats déplorables dans la redite. Il ne fait qu’augmenter l’atonie intestinale, qui joue le rôle principal dans cette affection limitée à la partie inférieure du tube intestinal. Les indications principales du traitement sont les suivantes : «  1° Agir localement sur les ulcérations localisées dans le rectum et combattre l’inflammation muqueuse; « 2° Évacuer les matières fécales qui s’accumulent et jouent le rôle d’un corps étranger. « 3° Rendre au gros intestin, surmené et dilaté, sa vigueur perdue. - Des lavements d’eau très chaude à ho ou A2 degrés ré­ pondent aux deux premières indications; la troisième se trouve remplie par le régime végétarien mixte et l’administration de la noix vomique ou des préparations de strychnine. «L’eau chaude fait disparaître rapidement les épreintes, le ténesme, la pesanteur si pénible du rectum; elle suffit à elle seule pour amener la guérison. «Le seul médicament à lui associer, quand il y a un sentiment de cuisson ou de brûlure à l’anus, est le bicarbonate de soude à la dose de 10 grammes par litre. «Dans les cas moyens, on peut se contenter de deux lavements chauds par jour de 1 à 2 litres suivant la susceptibilité de l’intestin. « Dans les cas graves, la douche ascendante de 8 à 10 litres doit être employée. On est étonné de la quantité de matières qui peut sortir d’un intestin atone à la lin même d’une douche de 10 minutes. « Comme traitement général, la noix vomique, les gouttes de Beaumé ou la strychnine viennent en aide au traitement local en combattant l’atonie de l’intestin. On peut les associer aux toniques et aux préparations de kola. «Enfin, le régime joue aussi un rôle important. Le meilleur régime est un régime végétarien mixte composé de légumes bien NOTES SUR LA MORTALITÉ. 125 cuits et en purée, do fruits bien murs, avec des œufs, du poisson et des viandes blanches. Comme boisson, on peut autoriser le vin blanc léger ou la bière; le vin rouge seul est nuisible, probablement à cause de ses fortes proportions de tanin et de son action astringente. » L’atténuation dans sa gravité et dans sa fréquence constatée pour la dysenterie existe, à plus forte raison, quand il s’agit de l’hépatite, sa résultante fréquente, et du paludisme. Ce der­ nier tend de plus en plus à disparaître, au fur et à mesure que les rizières sont cultivées. Aussi ne constate-t-on plus les formes graves que dans les postes éloignés et dans les localités où on effectue de grands travaux de terrassement. À Saigon même, la fièvre intermittente franche se rencontre rarement, excepté sur les bords du fleuve et sur les navires au mouillage. Maladies épidémiques. — Sur dix décès de ce genre, neuf sont dus à la fièvre typhoïde et un seul au choléra. On est étonné de la bénignité de cette dernière affection vis-à-vis des Européens, quand on sait que, chaque année, des épidémies excessivement meurtrières sévissent sur les indigènes. Les quelques cas observés chez les militaires sont la suite, la plupart du temps, de l’imprudence ou de l’absorption d’un liquide souillé. N’est-ce pas là une preuve que celle maladie, comme la fièvre typhoïde, se transmet et se propage presque toujours par l’eau de boisson? Il est donc possible de se mettre à l’abri de ses atteintes, en surveillant son alimentation et en stérilisant d’une façon parfaite l’eau et les liquides tels que le lait, véhicule fréquent du choléra dans les pays chauds, les récipients qui le contiennent étant lavés parles indigènes dans une eau contaminée. RAPATRIEMENTS. Nous avons cru devoir faire suivre ces quelques notes de tableaux indiquant le nombre des malades rapatriés pendant ces sept années et la cause de leur rapatriement. Pour être complet, il eut été indispensable d’ajouter le 12 6 FONTAINE. temps de séjour moyen de ces convalescents; ce renseignement nous manque actuellement. Les indications portées sur les tableaux ci-après permettront, dans tous les cas, d’établir, à l’avenir, des comparaisons utiles et feront ressortir ce qu’il faudrait pour les compléter. Elles sont, en effet, indispensables pour la constatation du déchet moyen annuel qui se produit dans les troupes aux colonies, déchet dont il y a lieu de tenir compte pour la relève et la fixation des effectifs. On constatera, ainsi qu’on a déjà pu le faire pour la mortalité, que la dysenterie et la diarrhée chronique sont, en Cochinchine, la cause principale des rapatriements, le paludisme et l’anémie tropicale ne venant qu’en second lieu. Les maladies sporadiques ont entraîné A92 rapatriements anticipés, sur un effectif de 9,800 hommes, soit une moyenne de 5o p. 1000, proportion très élevée, si l’on considère que ces troupes doivent être soumises, avant leur départ, à un examen médical sévère. Ces résultats viennent à l’appui des considérations développées plus haut et qui ont trait à la nécessité d’éliminer de l’envoi aux colonies tout homme atteint d’une tare organique, même légère. TABLEAU DES MALADES APPARTENANT AUX TROUPES D’INFANTERIE ET D’ARTILLERIE DE MARINE RAPATRIES DE 1 8 9 O À 1 8 9 7 .I N F A N T E R I E DE MARINE.A R T I L L E R I E DE MARINE.ANNÉES. Effectif.Nombre des ra­ patriés.Propor­ tion pour 1000. Effectif.Nombre des ra­ patriés.Propor­ tion pour 1000.1 8 9 0 .................................. 1,700 328 192 . 9 /' 2 50 G/i 2 , 56 .00 1 8 9 1 .................................. 1,200 3 a 3 2 6 g. 16 2 5 o 10/1 /1t G . o o 1 8 9 2 ................................... ()00 260 288 . 88 2 5 o 81 3 2 A.OO 1 8 9 3 ................................... 8 5 o ‘ 9 1 2 9 /1.70 3 o o 87 290 . 00 189 / 1 ................................... 1,000 196 196 .00 b 5 o 9* 3 7 6 . 0 0 1 8 9 5 ................................... 1,1 00 280 2 5 / i . 5 à 3 o o 1 10 3 6 6 . 6 6 1 8 9 6 .................................. I ,100 209 1Ç)0.00 3 5 o 1/10 /100.00 T o t a u x .................... 7 , 860 1 ,787 2 2 7 .6/1 i , 9 5 o 680 3 /18.71 NOTES SUR LA MORTALITÉ. 127 CAUSES DES RAPATRIEMENTS. A. In fa n te r ie de m a r in e . ANNÉES.MALADIES ÉPIDÉMIQUES. ENDÉMIQUES. SPORADIQUES e t au tres.1890..................................... a 275 63 1891..................................... 1 0 a4o 7 3 1892..................................... a ao5 53 1893..................................... 3 145 43 1894..................................... a 144 5o 1895..................................... 11 0 1 9 61 1896..................................... 1 169 3 9 T o t a u x ...................................... ao1 , 3 9 7 3 8 a1 , 4 1 7 L’effectif pour ces sept années ayant été de 7,860, les rapatriements dus à des causes endémiques et épidémiques ont atteint la proportion de 180 p. 1000. B. A r t i l le r ie de m a r in e . ANNÉES.M A L A D I E S ÉPIDÉMIQUES. ENDÉMIQUES. SPORADIQUES. 1 8 9 0 ............................................................. 1 54 1 5 1 8 9 1 .............................................................. II 83 ai 1 8 9 2 .............................................................. il 7 ' 1 0 1 8 9 3 .............................................................. II 69 1 8 1 8 9 4 .............................................................. II 87 1 8 9 5 .............................................................. 1 79 ao 1 8 9 6 .............................................................. // 1 a 1 *9 T o t a u x ...................................... a 5 6 4 1 1 0 5 6 6 L’effectif pour ces sept années ayant été de 1,960, les rapatriements dus à des causes endémiques ou épidémiques oui atteint la proportion de 290 p. 1000. 1 2 8 FONTAINE.REPARTITION DES RAPATRIEMENTS DUS À DES MALADIES ENDÉMIQUES. A. In fa n te r ie (le m a r in e . M A L A D IE S . 1890. 1891. 1892. 189.1. 1894. 1895. 1896. TOTAUX. Dysenterie et diarrhée chronique................ 84 144 101 36 45 8 a 75 567 Paludisme.................... 78 Ai 3a 3a 5i 66 44 344 Hépatite el congestion du foie........................... 5 11 5 9 10 10 1 1 61 Anémie tropicale.......... 91 -*9 4 9 67 3 3 55 39 373 Dyspepsie...................... ] 7 5 18 1 5 6 // 52 T o t a ux ............................... a 75 a4o 2 o 5 145 144 219 169 !>397 L’effectif de ces troupes ayant été pour ces sept années de 7,850 , la proportion pour 1ooo des rapatriés par catégorie de maladie est la suivante : Dysenterie et diarrhée chronique......................... 72 p. 1 0 0 0 . Paludisme........................................................... 44 Hépatite et congestion du foie 8 Anémie tropicale et dyspepsie 54 Le chiffre total des rapatriés ayant été de 1,787, la dysenterie a entraîné, à elle seule, près du tiers et le paludisme près du cinquième des rapatriements. B. A r t i l le r ie de m a r in e . M A L A D IE S . 1890. 1891. 1892. 1891. 1894. 1895. 1890. TOTAUX. Dysenterie et diarrhée chronique.................. 26 44 43 3i 3i 1 t 35 221 Paludisme.................... 20 16 11 i4 34 A i 24 160 Hépatite et congestiondu foie...................... // 4 4 4 6 6 9 3 3 Anémie tropicale.......... 4 1 9 0 16 11 l 8 45 12 2 Dyspepsie...................... 4 // 4 4 5 3 8 28 T o t a u x ............................... 54 83 71 8 9 87 7 9 12 1 564 L’effectif de ces troupes ayant été pour ces sept années de SUR LE MÉCANISME DE L’IMMl MSATIOV 129 1,950, la proportion pour 1000 des rapatriés, par catégories de maladies, est la suivante : Dysenterie et diarrhée chronique.......... , .......... 113 p. i ooo. Paludisme.................... 82 Hépatite et congestion du foie........................... 16 Anémie tropicale et dyspepsie............................ 76 Le chiffre total des rapatriés ayant été de 680 , la dysenterie a entraîné, à. elle seule, près du tiers et le paludisme près du quart des rapatriements.

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FONTAINE, “FONTAINE. Notes sur la mortalité des troupes d'infanterie et d'artillerie de marine casernées en Cochinchine (1890 à 1896). Annales d'hygiène et de médecine coloniales (1898), p. 114-129,” RevColEurop, consulté le 27 avril 2024, https://revcoleurop.cnrs.fr/ark%3A/67375/2CJKBHvH35SK.

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