NOGUÉ. Contribution à la géographie médicale. Missions de vaccine au Cambodge. Chapitre premier. Le Cambodge — ses habitants — la variole au Cambodge à l'état endémique — épidémies fréquentes. Annales d'hygiène et de médecine coloniales (1898), p. 169-234

Identifiant

ahmc_1898_p_169_234
ark:/67375/2CJR5P9k2WnX

Auteur

NOGUÉ

Personne

Discipline

Médecine et hygiène coloniales

Type de données

Ressources textuelles

Langue du document

Français

Nom abrégé de la revue

Annales de médecine coloniale

Nom détaillé de la revue

Annales d'hygiène et de médecine coloniales

Editeur de la revue

Imprimerie nationale Octave Doin, place de l'Odéon, Paris

Date de parution

1898

Nombre de pages

66

Pathologie

vaccine
variole
vaccin
apathie
choléra
fièvre
tabac
paludisme
adénite
café
dyspnée
décapitation
lymphangite
malaise
plaie
prahok
sucre de palme
suppuration
abcès
cuivre
dysphagie
dépression
fistule
handicap visuel
hémostatique
induration
insuffisance staturale
maladie infectieuse
plante médicinale
prêle (tige de)
rash cutané diffus
signe clinique
stimulant
tuberculose pulmonaire
tuméfaction
écoulement
œdème

Coordonnées géographiques

[-7.49167,110.00444#Ile de Java]
[1.36667,103.8#Singapour]
[10,102#Golfe de Siam]
[10.383333,104.483333#Hà Tiên]
[10.82302,106.62965#Saïgon]
[10.83333,104.33333#Kampot]
[10.99081,104.78498#Takeo]
[11,107#Cochinchine]
[11.56245,104.91601#Phnom-Penh]
[12.33333,103.66667#pursat]
[13.102778,103.198333#Battambang]
[15,108#Annam]
[15.5,101#Siam]
[18,105#Laos]
[22,105#Tonkin]
[35,105#Chine]

Licence

Licence ouverte - BIU Santé (Paris)

URI fascicule

https://www.nakala.fr/nakala/data/11280/a4a63bb7

URI document

https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.d35cb8lq/c33cf202a11ac7b20d533422426be949b0f6a28e

Cle

ahmc_1898_p_169_234

Fichier Texte

MISS ION DE VACCINE AU CAMBODGE 1 169 CONTRIBUTION A LA GEOGRAPHIE MEDICALE.MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE, par le Dr J. NOGUÉ, MEDECIN DE PREMIERE CLASSE DES COLONIES. CHAPITRE PREMIER. L E C A M B O D G E . ------- S E S I I A B I T A I V T S . --------- L A V A R I O L E A U C A M B O D G E À L ’ É T A T E N D É M I Q U E . ------- É P I D É M I E S F R É Q U E N T E S . L e C a m b o d g e . — Le Cambodge, situé entre le 10°30' et le 13°3o' de latitude Nord et le 101° et le 104° de longitude Est du méridien de Paris, et par conséquent en pleine zone tropicale, présente en son aspect général deux régions bien distinctes : i° La région soumise à l’inondation annuelle du Mékong, recouverte d’eau pendant les deux tiers de l’année, riche, peuplée, cultivée en rizières, en cotonnier, ouatier, mûrier, indigo et plantée d’arbres de rapport tels que : palmier à sucre, bananier, aréquier, manguier, mangoustanier, et où l’on rencontre nombre de petits lacs et de marais couverts de lotus et de nénuphars; 2° La région que l’inondation n’atteint jamais, composée de plateaux immenses couverts de grandes herbes et de montagnes ou collines que recouvrent de vastes forêts vierges, région très peu peuplée, peu cultivée, presque inconnue.I Il est impossible quand on parle du Cambodge de passer ANN. D’ IIYG. COLON. — Avril-mai-juin 1 8 9 8 . 1 — iu 1 7 0 .1. N O G U É . sous silence le Mékong, le grand fleuve, le Tonlé-Thôm des indigènes, qui a créé ce beau pays et qui lui donne la richesse et la vie. Le Mékong traverse le Cambodge du N.li. au S. ü. Il est navigable dans la presque totalité de son parcours sur le sol du Cambodge. Il se divise à Pnom-Penh en deux larges bras qui vont se jeter à la mer, après avoir traversé la Cochinchine. À Pnom-Penh, le Mékong reçoit le Tonlé-Sap qui n’est à la vérité qu’un bras le mettant en communication avec, les lacs, sorte de vaste réservoir naturel dont la superficie varie du double à la saison des hautes eaux, et qui, recevant pendant cette saison les eaux que leur envoie le Mékong par le Tonlé-Sap, lui apportent au contraire tout leur trop plein pendant la saison sèche. De nombreux affluents du Mékong sillonnent le Cambodge. Communiquant entre eux, pour la plupart, pendant la saison des hautes eaux, ils forment une sorte de réseau fluvial qui, à cette époque de l’année, rend accessible, aux sampans, aux jonques et même aux chaloupes à vapeur des régions très éloignées qui ne peuvent être parcourues pendant la saison sèche qu’au prix de voyages longs et fatigants. Chaque année, de juin à octobre, la plus grande partie du Cambodge est inondée par suite de la crue des eaux du fleuve et de ses affluents. La crue est parfois si forte qu’en 189b elle atteignait 18 mètres à Kratié ET 15 mètres à Pnom-Penh. Toute la partie basse du pays est entièrement sous Peau el on peut naviguer, en toute sécurité, dans cette mer immense, d’où émergent çà et Là quelques bouquets d’arbres couronnant des monticules. Le fleuve dépose alors son limon fécondant, et en février, quand les eaux sont complètement basses, celte mer immense se transforme comme par enchantement, sous la baguette magique de quelque fée surnaturelle, en une immensité verdoyante, d’où l'on retire tous les produits qui font la richesse du Cambodge. Deux régions du Royaume sont en dehors de la vallée du Mékong : MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 171 i° La région de Soai-Rieng, limitrophe de la Cochinchine, qui dépend hydrographiquement du bassin des Vaïco et de la plaine des joncs; 2° La région de Kainpot, qui s’étend sur le golfe de Siam en une plage de sable, où se jettent des rivières malheureusement inaccessibles aux navires, à cause de la barre qui en bouche l’entrée; région riche et boisée qui produit plus particulièrement du poivre et des fruits renommés à juste titre en Cochinchine et au Cambodge. Les montagnes s’étendent en bordure de la région inondée qui n’est d’ailleurs, si nous en croyons les cartes du XVI siècle, qu’un ancien marais envasé et colmaté par les alluvions du Mékong et dont les lacs sont le dernier vestige. Elles sont généralement peu élevées, ne dépassant guère 1800 mètres et ne produisant que du cardamome et des minerais d’ailleurs peu exploitables, faute de moyens de communications. Quelques collines isolées, telles que les Phnom Sruoch, d'Oudong et de Phom-Basset émergent de la plaine, anciennes lies enserrées maintenant dans la rizière. Le peuple cambodgien. — On croit généralement que le peuple cambodgien est formé de métis issus du croisement des Aryens qui fondèrent jadis, sur les bords du Mékong, les empires khmer et ciampa, avec les Malais et les Mongols. On ne trouve aujourd’hui qu’un nombre très restreint de Tiams qui représentent l’un des éléments les plus laborieux et les plus intelligents de la population cambodgienne. Le Cambodgien a la peau jaune brun plus ou moins foncé, les cheveux bruns taillés eu brosse, à l’âge adulte dans les deux sexes. La face est aplatie, le front est étroit, les pommettes peu saillantes, le menton rond et fuyant, les lèvres épaisses, les yeux un peu obliques, les sourcils bien arqués, les attaches des mains et des pieds grossières. Les hommes sont grands, forts, bien musclés; les femmes sont plus petites, trapues, généralement grasses, avec une forte poitrine. Hommes et femmes marchent pieds et tète nus. Les 12 . 1 7 2 J. NÔGUÉ. enfants des deux sexes ont le crâne rasé jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans, puis on leur laisse pousser, au sommet de la tête, un toupet qui vers douze ans sera absolument rasé, dans une cérémonie de famille. Les Cambodgiens sont généralement paresseux, indolents, quelque peu joueurs et buveurs dans les grands centres, peu industrieux, mais cultivateurs; ils vivent dans une apathie et une insouciance des besoins de la vie les plus élémentaires. Ils se nourrissent surtout de riz, de poisson frais ou sec et de légumes. Mais le Cambodgien est doux de caractère, assez loyal, serviable, très respectueux. Ils habitent des cases en bambous élevées sur pilotis, afin d’éviter les inondations annuelles; ces cases sans ouverture, ou peu s’en faut, manquent d’air. Toute la famille vit entassée là-dedans, les animaux domestiques sont parqués, la plupart du temps, au-dessous de la maison. Tout ce peuple vit ainsi dans une promiscuité déplorable et dans le dédain absolu des règles de l’hygiène. Lu variole. — La variole devait trouver là un développement sûr et rapide et exercer ses ravages avec d’autant plus de facilité et d’intensité qu’elle frappait un terrain vierge, un peuple réfractaire aux lois les plus simples de l’hygiène, ennemi de tout progrès, de toute mesure capable d’apporter le moindre bien-être à son genre d’existence. Aussi lorsqu’on parcourt le Cambodge, est-on bien vite frappé de voir le nombre considérable d’indigènes portant les traces indélébiles de la variole. Endémique dans toute l’étendue du Royaume, elle revêt à chaque instant le caractère épidémique. D’après les renseignements qui nous ont été fournis par les Gouverneurs et les autorités indigènes, il ne se passe pas d’année sans épidémie et la proportion des enfants atteints est considérable : 90 p. 100 environ. La moyenne des décès serait de 60 à 70 p. 100. Une pareille situation devait appeler l’attention du Résident de France; aussi n’hésita-t-il pas à organiser un service mo- MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 173 bile de vaccine comme en Cochinchine, bien que se trouvant en pays de protectorat.CHAPITRE II. L A V A R I O L E D ’A P R E S L E S C A M B O D G I E N S . ------- T R A I T E M E N T D E L A V A R I O L E . V A C C I N A T I O N S C H I N O I S E E T M A L A I S E . D’après les Cambodgiens, quand nous venons au monde, notre sang est vicié, il renferme un élément impur qui, lot ou tard, doit s’éliminer; cette exosmose produit la variole. Bien peu ont le sang vierge d’impuretés; ceux-là n’auront pas la variole. Celte maladie leur serait venue du Thibet; ce ne sont pas des sujets contaminés qui l’auraient importée au Cambodge. L’air aurait joué le rôle d’agent de contagion en suivant le cours du Mékong, pour venir infester le Cambodge. Les livres de médecine cambodgiens sont muets sur l’époque à laquelle la variole a fait son apparition dans le pays. Un vieux médecin indigène, qui jouit auprès de ses compatriotes d’une très grande notoriété, au point de vue variolique, nous a donné ces renseignements et la façon suivante d’envisager la variole. Appelé auprès d’un enfant, il diagnostique la variole, après examen, à une odeur particulière, sui generis, qui se dégage de la bouche et des narines de l’enfant atteint de celte affection. Il attribue cette odeur à la décomposition du sang. D’après lui, il existe deux formes de variole : une forme lé­ gère et une forme grave. Lorsque la variole doit être bénigne, celte odeur est atténuée; lorsque, au contraire, l’odeur est très prononcée, la variole sera maligne. Quand la variole doit être atténuée, au bout de trois jours de fièvre, les boulons apparaissent d’abord au visage. Ils apparaissent parfois aux pieds, en premier lieu. C’est là une anomalie remarquable. L’éruption se montre ensuite sur tout le 174 J. NOGUÉ. corps d’une façon discrète; mais c’est toujours au visage quelle est le plus accusée. Au début de la maladie, l’éruption se présente sous la forme de papules rouges qui se transforment en pustules contenant un liquide lactescent. Tous les boutons, même ceux du visage présentent une dépression centrale qui n’est autre que l’ombilication. L’éruption peut aussi apparaître sur les muqueuses et principalement sur les muqueuses de la bouche et sur la conjonctive. À ce moment-là, les autres symptômes généralement observés sont : l’œdème des pieds et des mains; la tuméfaction du visage, qui rend les malades méconnaissables; la purulence des conjonctives, de la toux et de la dyspnée. La suppuration commence d’abord au visage; au tronc elle est en retard de 36 à 40 heures. La fièvre est modérée ou très forte, cela n’a aucune importance. Peu à peu, les pustules se dessèchent, se recouvrent de croûtes, qui, après leur chute, laissent des cicatrices rougeâtres qui blanchissent lentement et persistent indéfiniment. Quand la variole doit être maligne, les choses se passent autrement. La période d’incubation est toujours la même, mais l’éruption no se généralise pas; elle ne s’étend, dans ces cas graves, qu’à la face et à une partie du tronc. Elle gagne principalement les muqueuses, provoquant de la dysphagie, de la toux, de la dyspnée. La période de suppuration ne s’établit pas. Le malade endure des souffrances terribles, L’exosmose dont j’ai parlé plus haut ne se fait pas. Le sang ne se purifie pis, La mort est fatale. Mais le point le plus intéressant de la variole, d’après les Cambodgiens, c’est certainement celui qui a trait à des boutons varioliques de grandes dimensions qui existeraient toujours dans la maladie, boutons qui ont un caractère de gravité exceptionnel. Ils ont reçu le nom de boulons-mères. Exemple : un bouton-mère de grandes dimensions apparaît- il au niveau du larynx, ce bouton-mère empêchera l’enfant malade de respirer, de déglutir, de parler. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 175 Un dénouement fatal est à redouter. Pour l’éviter, on recouvre ce boulon avec le mélange suivant : une racine de datura, un champignon, une tige de jeune palmier, le tout trituré et mis à macérer dans l’alcool. En apposant ce mélange avec le bout du doigt, le médecin cambodgien prononce les paroles suivantes en s’adressant au bouton de variole : Ici je ne te crains pas, mais si tu vas sur l’épaule je te craindrai davantage. « Cela dit, pour tromper le bouton variolique. Les points du corps où ces boutons-mères sont dangereux sont les suivants : après la gorge, le creux épigastrique, la région hépatique, la voûte palatine, la région dorsale de la colonne vertébrale. Et de même qu’il faut isoler sur l’épaule le bouton-mère de la gorge, de même le bouton-mère du creux épigastrique sera isolé au pli du coude; celui de la région hépatique à l’avant-bras (face antérieure), celui de la voûte palatine au sommet delà tête, et enfin celui de la colonne vertébrale sur les parties latérales du tronc. Les Cambodgiens connaissent fort bien le caractère épidémique et contagieux de la variole; mais ils ignorent complètement les façons multiples dont se fait la contagion. Ils en reviennent toujours à dire que, du moment que notre sang est vicié, nous devons fatalement, un jour ou l’autre, avoir la variole. La cohabitation, leur saleté innée, les enfants couverts de croûtes, parcourant les rues et jouant avec d’autres enfants, ne sont pas, d’après eux, des agents infectieux. Traitement. — Les médecins cambodgiens ont une manière très originale de soigner la variole; le traitement varie avec le jour de l’invasion. Si la variole apparaît un dimanche, ce sera un traitement spécial à ordonner. Les autres jours de la semaine ont chacun leur traitement approprié, mais ils diffèrent fort peu les uns des autres. Les remèdes qui forment la base du traitement sont : du fiel de buffle blanc, du sang d’anguille, des feuilles de mûrier, du sucre, et une quantité considérable de plantes médicinales indigène-, liais, depuis plusieurs années, les 176 .1. NOGUÉ. médecins cambodgiens se sont mis à varioliser, suivant en cela l’exemple des Chinois et des Malais. Ils prennent du pus varioleux sur des sujets porteurs d’une variole bénigne, et, avec la pointe d’un couteau, ils font trois scarifications assez profondes, à chaque bras. Le plus souvent, cette inoculation amène une réaction fébrile très prononcée, avec retentissement sur tout l’organisme. Souvent il survient une éruption généralisée, qui rappelle la varioloïde; d’autres fois c’est une véritable variole. Il y a encore lieu de citer les poussées de lymphangite et d’adénite qui sont la conséquence de cette pratique. Vaccinations chinoise et malaise. — Les vrais propagateurs de la variolisation au Cambodge, comme du reste dans tout l’Extrême-Orient, sont les Chinois et les Malais. Ils jouissent, aujourd’hui encore au Cambodge d’un grand pouvoir sur l’esprit des populations. Autrefois les Chinois inoculaient la variole à l’aide de croûtes provenant de pustules desséchées, qu’ils plaçaient dans le nez des patients. Mais ils ont abandonné, depuis longtemps, ce procédé opératoire, et ont recours aux scarifications faites avec la pointe d’un couteau trempé dans le virus varioleux d’un sujet de choix. Ils déterminent ainsi de larges cicatrices, de la dimension d’une pièce d’un franc, que les parents étaient très fiers de me montrer en ajoutant : «Mon enfant a été vacciné par le médecin chinois ou malais, n Le nhaque (paysan) paye volontiers une piastre par enfant variolé; les riches indigènes payent proportionnellement à leur situation. Aujourd’hui encore, on trouve au Cambodge des centres où des indigènes préfèrent cette variolisation chinoise ou malaise à la vaccination gratuite européenne. Il ne finit pas cependant s’étonner de ce parti pris quand on songe qu’à Pnom-Penh même il y a des mères françaises qui font soigner leurs en­ fants par le médecin chinois. Depuis peu, les médecins chinois ont, cependant, une MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 177 tendance très marquée à abandonner la variolisation et à pratiquer la vaccination européenne. Certains d’entre eux achètent à Singapore du vaccin, avec lequel ils inoculent les enfants. Or, ce vaccin provient de l’Institut vaccinogène de Saigon. C’est donc absolument le même que celui que nous employions, avec cette grande différence que les Chinois doivent se servir d’un vaccin déjà vieux, tandis que nous, nous usions toujours d’un vaccin récemment préparé, CHAPITRE III. LES MÉDECINS FRANÇAIS AU CAMBODGE. ----- PREMIERES VACCINATIONS. ----- DIFFICULTÉS QUE RENCONTRE LA PRATIQUE JENNÉRIENNE. ----- PREMIÈRE TOURNÉE FAITE PAR M . LE MEDECIN DE 1 re CLASSE LOM­ BARD. ----- MAUVAIS RÉSULTAT, 1890 . CRÉATION D’ UN INSTI­ TUT VACCINOGÈNE À SAIGON, 1891 . ----- SERVICE--RÉGULIER DE LA VACCINE À L’HOPITAL MIXTE DE PNOM - PENH.----- M. DEVOTI, 1890 . ----- M. MONDON, 1891 . ------ M M . DEPASSE, 1892 ; PINARD, 1893 ; GROGNIER, 1894 ; ANG1ER 1895 , RÉCLAMENT POUR LE CAMBODGE UN SERVICE MOBILE DE LA VACCINE, TEL QU’IL EXISTE EN COCHIN- CHINE ET AU TONKIN. ------ TOURNÉES DU Dr CONAN. — TOURNÉES DU D r O R T H O L A N . Les archives qui existent à l’hôpital mixte de Pnom-Penh sont à peu près muettes sur le service de la vaccine. 1 faut remonter à l’année 1 8 9 0 pour trouver d’utiles renseignements. Avant cette date, rien de précis, rien de bien exact. Cependant, il est certain qu’à Pnom-Penh et dans les postes pour­ vus de médecins, on vaccinait assez régulièrement. C’est en vain que nous avons recherché des statistiques. Mais il ne faut pas oublier que nous étions en pays de protectorat, que les Cambodgiens étaient ennemis de la vaccine et qu’on n’avait pris aucune mesure pour les engager à se faire vacciner. Survient le soulèvement de i 8 8 5 - i 8 8 6 , le pays était en complète rébellion, aussi ne pouvait-il être question d’y implanter la pratique jennérienne. 178 J. NOGUE, Les Résidents supérieurs n’avaient que peu d’influence sur l’esprit des populations; aussi fallut-il attendre l’année 1890, époque à laquelle une politique plus hardie fut inaugurée, pour songera pratiquer des vaccinations. Au mois de juin de cette année, M. le médecin de i " classe Devoli signala une violente épidémie de variole et en donna les raisons suivantes : «Beaucoup de malades circulent libre­ ment dans les rues pendant la période de dessiccation; on les voit se gratter et semer ainsi partout des croûtes sur leur passage. «Les Annamites et les Cambodgiens reconnaissent pourtant les bons effets de la vaccine; ils amènent volontiers leurs enfants aux séances d’inoculation, mais ils ne veulent pas qu’ensuite ceux-ci nous servent de vaccinifères. Nos provisions de vaccin sont dès lors vite épuisées et il nous faut suspendre les séances, ) C’est celte même année que M. le docteur Lombard obtenait l’autorisation de tenter une première tournée de vaccine dans le grand fleuve. (Krancbmar.) Bien que nous n’ayons sur cette tournée que de vagues renseignements, il y a tout lieu de croire que les vaccinifères étaient mauvais, car les résultats obtenus furent absolument nuis. Bien plus, une épidémie de variole ayant éclaté peu de temps après, les indigènes ne manquèrent pas d’attribuer au médecin français l’importation de la variole chez eux-. Cette première tournée eut, paraît-il, un effet déplorable sur l’esprit des populations, qui se déclarèrent franchement ennemies de la pratique jennérienne. Malgré cette hostilité évidente, dans son rapport de fin d’année (1890), M. le docteur Mondon, chef du service de santé à Pnom-Penh, réclamait avec énergie le fonctionnement d’un service de vaccine ana­ logue à celui de Cochinchine. 1891. Pendant le premier trimestre de 1891, è l’hôpital mixte de Pnom-Penh, M*. Mondon ne fut pas plus heureux dans ses essais d’inoculation et, par suite de ses échecs successifs, il lui fut impossible d’avoir des vaccinifères. Malgré cela. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 179 pendant son séjour à Pnom-Penh, il obtint un total de 163 inoculations. Cette période de déboires continus allait enfin cesser grâce à M. le médecin de 110classe des colonies Calmette, qui venait de fonder l’institut vaccinogène de Saigon. Une circulaire de M. le chef du service de santé informait les médecins des postes que, chaque semaine, on leur enverrait du vaccin animal, préparé au nouvel institut. Au mois de juin de la même année, malgré une épidémie de variole en cours à Pnom-Penh, le médecin rencontrait de grosses diflicultés à introduire la vaccination. Il se heurtait à une indifférence aussi complète de la part de l’administration que du côté des autorités indigènes. Chaque semaine, il y avait à l’hôpital une séance de vaccine. Les débuts causèrent quelques déceptions, les Cambodgiens refusaient de venir se faire vacciner, mais par contre les Annamites et les Chinois y venaient avec enthousiasme. Il n’v avait qu’à patienter; et les Cambodgiens finirent à leur tour par abandonner les préjugés qui les avaient arrêtés jusqu’alors. Les épidémies de variole qui eurent lieu au Cambodge en 1899 et en i8q3 1 e furent pas très sérieuses. Le vendredi de chaque semaine, le médecin de l’hôpital vaccinait régulièrement les enfants qu’on lui présentait. Les rapports médicaux de ces deux années mentionnent l'empressement, que met la population à se faire vacciner, aussi les médecins du Cambodge réclament-ils déjà le service mobile de la vaccine. Ils invoquaient avec raison les résultats obtenus dans les postes par MM, les Résidents qui faisaient des inoculations avec du vaccin que leur adressait l’Institut de Saigon. Mais le Résident supérieur trouvait celte mesure encore prématurée. Cependant le nombre des inoculations allait chaque année en augmentant. En 1892, le docteur Dépassé arrivait au chiffre de bay vaccinations et, en 18 p 3 , le docteur Pinard en faisait 69 0. En octobre 189/1, la variole fait à nouveau son apparition et prend en peu de jours le caractère épidémique, Les 1 8 0 .1. NOGUÉ. indigènes payent dès le début un large tribut à la maladie et les Européens ne sont pas épargnés. La garnison est frappée à son tour (7 novembre). Immédiatement un service permanent de vaccination est établi à l’hôpital. Le 13, un matelot du Bouclier est hospitalisé, ce qui porte à quatre le nombre des Européens en traitement. Le 13, M. R. . . D. , . meurt des suites de variole. Le 15, le docteur Grognier, chef de service, est frappé à son tour, et on est obligé d’envoyer de Saigon un médecin pour le suppléer. L’épidémie sévit avec une extrême violence sur les indigènes, qui viennent, en grand nombre se faire vacciner. De la fin octobre au 3 décembre, 890 d’entre eux avaient été inoculés, ce qui portait le chiffre total des vaccinations de l’année à 1,771. Aussi M. le chef du service de santé disait-il avec raison dans son rapport de fin d’année : «Il y aurait lieu d’organiser fortement au Cambodge ce service important (service mobile de la vaccine) et d’en charger un médecin de 2° classe, comme cela se fait au Tonkin. Il semble que les idées du peuple, à ce sujet, se soient assez modifiées pour qu’on puisse dès à présent songer à établir ce service d’une façon normale et régulière. i> 1895. Dans les premiers jours de janvier 1895, le docteur Angier prend les fonctions de chef du service à Pnom- Penh. La variole continue à sévir dans tout le Cambodge avec une intensité extraordinaire. Cette épidémie est des plus meurtrières et dure jusqu’au mois d’avril. Le 19 janvier, M. de V........ meurt des suites de variole; une violente épidémie de choléra vient se greffer sur une épidémie de variole. Pour faire face à cette situation alarmante, on dirige un second médecin sur Pnoin-Penh. Le i3 mars, ce médecin part inspecter les postes du grand fleuve qui étaient le plus frappés par les deux épidémies. Sa mission consistait à prendre toutes les mesures prophylactiques nécessaires pour arrêter l’épidémie de choléra, et à M I S S I O N S DE VACCINE AU CA M B O D G E . 1 8 1 vacciner tous les centres situés sur le fleuve; elle fut couronnée d’un éclatant succès. Du 13 au 21 mars, il procéda à 1,048 inoculations. Dans une deuxième tournée, du 27 mars au 1" avril, de Kompong-Chuang à Pnom-Penli, il vaccina 746 personnes. Pendant ce temps on pratiquait 1,010 vaccinations à l’hôpital. CHAPITRE IV. LF. V A C C I N . --------- P R O C É D É O P É R A T O I R E . P R E M I E R E T O U R N É E . ------- K O M P O N G - T H O M . ------- L A P E C H E D A N S L E S L A C S . --------- L A R I V I E R E D E K O M P O N G - T I I O M . ------- I N S U C C E S D E N O T R E T O U R N É E . -------- L E S C A U S E S . ------- P R É J U G É S I N D I G È N E S . Le vaccin dont je me suis toujours servi provenait de l’nslitut vaccinogène de Saigon. Il était toujours de fabrication récente, d’une virulence 1res active et a toujours donné d’excellents résultats. Ce vaccin nous parvenait dans des tubes de quelques millimètres de diamètre, fermés à la lampe aux deux extrémités. L’inoculation du vaccin a toujours été faite à la partie supérieure et externe du bras. Nous faisions généralement trois inoculations de chaque côté, sur une ligne verticale, en enfonçant la lancette obliquement de haut en bas dans la couche sous-épidermique de la peau. Au début nous avons parfois eu recours à de légères scarifications; mais, connaissant les phénomènes inflammatoires qui en dérivent, lorsqu’il y a incision du derme, sachant qu’il y a là une porte ouverte aux produits septiques ou contagieux, opérant dans un milieu où la propreté la plus élémentaire est inconnue, craignant quelques accidents de lymphangite et d’adénite axillaire, de parti pris, nous avons condamné les scarifications et eu recours au procédé opératoire que nous indiquons plus haut. A la date du 27 juillet 1897, j’étais chargé du service de la vaccine au Cambodge. Pour des raisons que je n’ai pas à rappeler ici, ce service fut momentanément interrompu, mais je pus le continuer dès les premiers jours de septembre. 182 .1. NOGUÉ À cet effet je quittais Pnom-Penh le 7 à six heures du soir à bord du Laos que le protectorat avait mis à ma disposition. C’est à dessein que j’avais choisi celte heure tardive pour pouvoir traverser le lendemain, de hou matin et sans danger, le Véal Phoc qui est parfois très dangereux par les grands vents et les bourrasques qui se fout sentir l’après-midi, à ce moment de l’année. Le Véal Phoc (plaine de bouc en cambodgien) navigable, pendant la saison des hautes eaux, pour des navires calant h mètres, n’a, en saison sèche, que 30 à ho centimètres d’eau. Le lendemain vers onze heures, j’arrivais à Kompong-Tliom qu’un résident mécontent avait malicieusement dénommé et la Sibérie tropicales. En effet, Kompong-Tliom est bâti dans une vaste plaine envahie par les eaux, pendant une partie de l’année, et entièrement brûlée par le soleil pendant la saison sèche. Ce centre a sous sa dépendance huit riches provinces d’une superficie considérable. Les principales industries sont : la pèche dans les lacs, l’exploitation des forets, la culture du riz, du coton et du tabac. Nous aurons l'occasion plus tard de parcourir à nouveau les lacs; mais il nous parait intéressant de parler ici de la pèche qui s’y fait chaque année. Pèche. — La pêche des lacs est considérable et, sans vouloir en fixer le produit annuel qui varie avec la crue, il suffît de dire que le poisson qu’on en retire alimente non seulement la Gochinrhine et le Cambodge, mais encore les marchés de Singapore et d’une grande partie de la Chine. Elle se pratique aux basses eaux pendant les mois de mars, avril, mai et juin. Cette pêche est presque exclusivement faite par des Chinois et des Annamites; les Cambodgiens qui se livrent à cette industrie sont en fort petit nombre. Dès le mois de février, des patrons de pêcheries s’installent sur les berges dans des cases élevées sur pilotis, au milieu M I S S IO N S D E VACCINE AU CA M B O D G E . 1 8 3 morne de l’eau, et construisent à côté de vastes sécheries en bambou. Les procédés de pêche sont assez primitifs et le poisson est si abondant qu’on n’en capture qu’une minime partie. Généralement on plante au fond du lac un grand nombre de petits piquets de bois destinés à empêcher les détritus d'être entraînés par les eaux et à servir ainsi d’appât pour attirer le poisson. Tout autour sont disposées des claies de bambou enroulées. On s’approche avec précaution, on déroule en même temps toutes les claies qui entourent ainsi la pêcherie et il ne reste plus qu’à s'emparer du poisson avec de petits filets à main. Ou se sert aussi de vastes filets étendus verticalement au moyen de grands bambous plantés dans le fond et qu’on relève une ou deux fois par jour. Enfin dans les prèles (cours d’eaux) et les mares qui se vident dans les lacs, à la baisse des eaux, on établit de véritables barrages composés de claies en bambou maintenues aux deux rives par de solides cordes en rotin. Pendant les mois de pêche, tout le monde travaille. Les hommes valides font la pêche proprement dite; les femmes et les enfants ouvrent le poisson, le vident, le salent et l’étendent sur des sécheries où il restera exposé pendant quelques jours aux rayons du soleil. Pendant la nuit, il est recouvert de nattes grossières qui le préservent de l’humidité. Les exhalaisons qui s’en échappent, l’odeur des détritus qui restent sur la berge signalent à grande distance un village de pêcheurs. Il y a là une odeur caractéristique qui surprend très désagréablement celui qui va dans ces légions pour la première fois. Rien n’est plus curieux, plus pittoresque que les rives des lacs à l’époque de la pêche. De véritables villages surgissent en quelques jours, véritable fourmilière d’indigènes qui s’entassent pêle-mêle dans une promiscuité surprenante et vivent dans les conditions d’hygiène déplorables, 184 J. NOGUÉ. Il y règne une activité remarquable, Rien ne manque : chaque soir une musique infernale appelle au théâtre, je ne dirai pas les mélomanes, mais les amateurs de spectacle. L’industrieux, le rapace Chinois avec son débit de boissons, sa maison de jeux et sa fumerie d’opium est certainement celui qui retirera le meilleur profit de la pêche. En général, le poisson est acheté sur place, par des marchands chinois qui l’emportent ensuite à Pnom-Penh, Saigon et dans tout l’Extrême-Orient. Le lendemain de mon arrivée à Kompong-Thom, je remontais à tout hasard le stung (fleuve), montrant aux populations riveraines le pavillon français qui flottait à l’arrière de la chaloupe, m’arrêtant à chaque village et expliquant le but de ma visite. J’ai ainsi parcouru jusqu’au soir un pays absolument inondé d’où émergeaient çà et là quelques cases et deux ou trois centres assez peuplés. Le lendemain matin, nous redescendions avec une extrême lenteur le fleuve, nous arrêtant à chaque agglomération, expliquant le but de notre présence, faisant des cadeaux en argent et en nature, suppliant même les parents de nous laisser inoculer leurs enfants et partout nous rencontrions la même in­ différence et cette pénible réponse : s Nous n’avons pas reçu l’ordre de notre gouverneur.» Enfin avec bien de la peine nous avons pu cependant pro­ céder à quelques inoculations. Le soir même, je rentrais à Kompong-Thom, mécontent de mon voyage, déplorant l’indifférence et le mauvais vouloir du peuple cambodgien. Le lendemain, je donnai un jour de repos à l’équipage et je profitai de mes loisirs pour visiter, à éléphant, les environs de la résidence et aller à la recherche de quelque agglomération, que je n’ai pas trouvée. Chemin faisant, mon guide me contait les richesses eu essences forestières et en gibier de toutes sortes du pays que nous parcourions; il m’entretenait en même temps de l’insurrection M I S S IO N S D E VACCINE AU CA M B O D G E . 185 de 1885, la région de Kompong-Thom ayant été un de ses principaux foyers. Les trois chefs delà révolte vivent encore et sont aujourd’hui des vieillards inoffensifs. Le 13 mars, nous quittions définitivement Kompoug-Thom. Nous devions visiter à l’emhouchure du fleuve Phat-Sanday, très gros village habite par des Cambodgiens, des Annamites et des Chinois. C’est un centre de pêcheurs, bâti en partie à l’in­ star de Kompong-Chuang, sur des radeaux de bambous, en partie sur pilotis. La population y est très dense, et Phat- Sanday est appelé à devenir un des centres les plus importants pour le médecin vaccinateur. Le 14 au soir, nous nous dirigions vers la province de Kom-pong-Leng, et dans un point accessible à notre chaloupe, nous inoculions 8o indigènes. Comme il nous restait encore quelques tubes de vaccin que nous tenions à utiliser, nous nous dirigeâmes vers Kompong- Chuang, bien que ce point ne fût pas compris dans notre itinéraire. A quelques milles seulement des lacs, se trouve le curieux et pittoresque village flottant de Kompong-Chuang. Il est formé d’environ deux cents cases en bambous, couvertes de feuilles de palmier et reposant sur des bambous flottants. Pendant la saison des pluies, les cases sont reportées en arrière dans une petite plaine. Kompong-Chuang est un marché très important; il s’v fait un grand commerce de sucre de pal­ mier, de poteries grossières en terre rouge; c’est là que se concentre tout le poisson salé qui vient des lacs. Nous fûmes plus heureux dans cette localité au point de vue de la vaccination; bien qu’aucun ordre n’y fût donné, je fis savoir aux indigènes qu’étant de passage je me mettais à leur disposition pour vacciner leurs enfants. En quelques minutes je procédai à 123 inoculations; il ne fallait pas songer à établir un contrôle, persuadé par avance qu’on ne m’aurait amené aucun enfant. J’ai cependant appris, peu de jours après, qu’un très grand nombre d’enfants étaient porteurs de superbes pustules. ann. D’ iiïG . colon. — Avril-mai-juin 1898. 1 — 1 0 186 J. NOGÜÉ. Ma première tournée de vaccine était terminée; nous avions procédé à AGA inoculations qui se répartissaient de la façon suivante : Cambodgiens Chinois . . . . Annamites . .314 inoculations. 85 65 T o t a l ............................................... 4 6 4 Frappé, je ne dirai pas de l’indifférence mais plutôt de l’aversion des Cambodgiens pour la vaccine, j’ai cherché depuis les motifs qui les arrêtaient d’une façon aussi systématique. Les Annamites et les Chinois acceptent très volontiers la pratique jennérienne. Quant aux Cambodgiens ce n’est qu’à grand’peine, à la longue et après mille renseignements plus superflus les uns que les autres qu’ils ont enfin compris que l’inoculation pratiquée par le médecin français avait du bon et que, loin de leur causer du préjudice, elle devait leur être profitable. Tous les essais qui ont été faits à l’hôpital ont toujours donné de bons résultats. Malheureusement le médecin ne pouvait quitter Pnom-Penh, les besoins multiples de ce poste important lui faisant un devoir de ne pas s’éloigner; aussi devait-il se restreindre à ne vacciner que les enfants de Pnom- Penh et des environs. Il fallait cependant venir à bout de l’apathie du peuple cambodgien, vaincre ses préjugés multiples, en un mot entamer une lutte véritable pour implanter la vaccine au Cambodge. Sans parler de l’indifférence de quelques résidents, il faut signaler avant tout le mauvais vouloir et même l’hostilité évidente de certains gouverneurs cambodgiens. Les populations du centre du Cambodge, ne voyant d’Européens qu’à de rares intervalles, sont très timorées. Aussi étais-je pour quelques habitants un sujet de curiosité et même parfois de terreur. Malgré la plus vive insistance, les sollicitations, les dons en argent et en nature, pas un enfant ne m’était amené pour l’inoculation. Etonné de cette abstention en masse et désireux d’en M I S S I O N S D E VACCINE AU C A M B O D G E . 1 8 7 connaître la raison, j’en demandai les motifs aux indigènes qui m’accompagnaient. Ils me répondirent que les parents cachaient leurs enfants par peur et que les chefs de village ne sachant que faire disaient : « II n’y a pas d’enfants dans le village »,, ou bien : « Les enfants du village ont eu la variole, et ceux qui ne l’ont pas eue ont été vaccinés par le médecin chinois ou malais». Enfin des résidents m’ont affirmé qu’une des raisons qui empêchent les Cambodgiens de faire vacciner les enfants par le médecin européen, c’est qu’ils sont persuadés qu’on leur inocule une sorte de francisation, dont ils ne veulent à aucun prix; car, de ce fait, ils perdraient beaucoup de leur caractère national. CHAPITRE V. D E P H N O M - P E N H A P U R S A T . ------- L E G R A N D L A C . -------- D U G R A N D L A C À P U R S A T . Pur sat . — Le cardamome. La fête du cardamome. En tournée de vaccine. Tournée à faire. Retour à Pnom-Penh. Une tempête dans le Grand Lac. — Actuellement, Pursat est le seul poste de l’intérieur du Cambodge qui possède un détachement d’infanterie de marine. Le 24 septembre 1896, à 7 heures du matin, je m’embarquai à bord du Battanbang, un des plus beaux et des plus rapides bateaux de la Compagnie des Messageries fluviales de Cochinchine, qui, à la saison des hautes eaux, fait le service de Saigon à Baltambang. À celle époque de l’année, la crue était singulièrement augmentée. Elle avait de beaucoup dépassé celle des années précédentes. Les mares boueuses de la saison des basses eaux s’étaient transformées en une petite mer intérieure dont on n’apercevait plus les rives. Le soir, à cinq heures, le Battambang stoppait à l’entrée de la rivière de Pursat. M. le Résident de France, informé de mon arrivée, m’avait envoyé une pirogue rapide pour remonter la rivière. 13. 188 J . N O G U E . Je laissai aux rameurs le temps nécessaire pour prendre leur repas du soir, et je mis à profit ce moment de repos pour faire un frugal repas cambodgien, exclusivement composé de plusieurs variétés de poissons et de riz. Avant de quitter Pnom­ penh, on m’avait donné des renseignements contradictoires sur le temps nécessaire pour remonter le fleuve jusqu’à Pursat. Si j’avais l’avantage d’avoir une pirogue rapide conduite par d’excellents rameurs, je manquais en revanche de confort. L’exiguïté de cette embarcation était telle qu’avec mon interprète et mon boy nous eûmes à peine la place nécessaire pour nous coucher. Parti à 6 heures du soir de l’embouchure de la rivière, j’arrivai le lendemain matin à U heures en face de la résidence. J’avais donc fait le parcours en dix heures, n’ayant rien vu de la région que je venais de parcourir par une nuit noire. Impossible de dormir; les rameurs chantaient leurs curieuses mélopées pour se tenir éveillés, ou poussaient de grands cris à un coude de la rivière, pour s’exciter et lutter avec ensemble contre la violence du courant. Pursat est situé sur la rive gauche de la rivière qui n’est navigable que pour les jonques du pays et seulement dans la saison des pluies. Pendant la saison sèche, pour ravitailler le poste de Pursat, on transporte les vivres et les munitions, à dos d’éléphant, depuis Kompong-Chuang. Toute cette région est très dangereuse à parcourir; on y trouve une grande quantité de bêtes fauves, entre autres des troupeaux d’éléphants sauvages qui forcent parfois les convois à faire demi-tour ou à attendre que la route soit libre. C’est un poste composé de quelques cases groupées autour de la Résidence, avec un fort commandé par un lieutenant ayant sous ses ordres une section. Ce fort, déjà vieux, est dans un état de dé1abremen 1 1amentab1e. Pursat comprend le personnel européen qu’on retrouve dans toutes les résidences du Cambodge. Un résident avec un chancelier, un garde principal de la milice ayant sous ses ordres 15o miliciens cambodgiens (un détachement commandé par un autre garde est à Svai-don-Kéo sur la frontière siamoise), un M I S S I O N S D E VACCINE AU C A M BO DG E . 189 commis des postes et télégraphes, un agent de douanes et régies, surveillant une distillerie chinoise et enfin un entreposeur des douanes. Le vrai nom de Pursat est Pothisat qui en langue cambodgienne signifie Banian. Le Pothisat ou Banian est, d’après la légende, un arbre qui serait descendu des régions montagneuses et qui, entraîné par les pluies et les courants, se serait enraciné à Préa-Kam où existent les ruines d’une ancienne pagode qui, paraît-il, aurait été construite par les hommes malais, les femmes ayant construit le Prosat-Don qui se trouve situé au N. N. O. Préa-Kam se trouve situé sur le Stung-Dabat, affluent de la rivière de Pursat, sur les rives duquel auraient été édifiées autrefois 121 pagodes dont on rencontre encore quelques vestiges. L’arrondissement de Pursat est le plus riche de tout le Cam­ bodge en cardamome. Les montagnes sur lesquelles on le recueille se nomment Phnôn-Krévan (Mont Cardamome). Le fruit du cardamome (zingibéracées) se présente sous la forme de petites grappes dont les graines seraient imbriquées et serrées les unes contre les autres. Pour les conserver, les Cambodgiens les torréfient légère­ ment et c’est sous celte forme qu’on les livre au commerce. Les indigènes s’en servent surtout comme stimulant contre les coliques et la fièvre. On met une graine à macérer dans un bol de thé, et on boit ce thé, ainsi aromatisé. Les Cambodgiens distinguent deux variétés de cardamome : le krévanh-sral ou faux cardamome léger et le krévanh-thngon ou cardamome lourd. Le premier est planté en février, à l’entrée des grands bois, dans des terrains plats et humides qui se trouvent à l’Est, au pied des montagnes. La récolte a lieu en juin. Le deuxième n’est planté qu’en avril et en mai dans les mêmes conditions que le précédent, mais au sud des montagnes; la récolte est faite par des esclaves héréditaires (Néak ngear) qui payent leur impôt personnel en cardamome. Ce qui leur reste, ils le vendent aux commerçants chinois ou l’échangent contre des marchandises. 190 J. NOGUÉ. La récolte terminée, ils viennent à date fixe, à la résidence de Pursat, où est compté tout le cardamome récolté, qui sera ensuite dirigé sur les marchés de Pnom-Penh, Cholon et Saigon. C’est alors qu’a lieu une cérémonie à laquelle nous avons assisté et qui consiste à se réjouir le mieux possible et d’autant plus que la récolte a été bonne. Si la récolte n’a été que médiocre, les indigènes se réjouissent quand même dans l’espoir d’être plus favorisés l’année suivante. Pendant deux ou trois jours, tous les Cambodgiens qui sont descendus des montagnes tiennent conseil sur la quantité du cardamome récolté, sur sa valeur, son rapport, etc. Leurs longues conversations ne sont interrompues que par de copieux repas arrosés de nombreux verres d’eau-de-vie de riz. Le jour de la grande fête, dès le matin, on prélude aux réjouissances de la journée par de la musique, des chants et des danses. Le repas du matin est des plus simples. 1 faut se réserver pour le soir. Vers trois heures de l’après-midi, les Cambodgiens dressent au dehors une sorte d’autel à Boudha où sont amassés avec assez d’originalité des paquets de cardamome. On apporte alors des quantités considérables de victuailles, d’immenses marmites pleines de riz, des cochons entiers rôtis, des volatiles de toutes sortes, plusieurs espèces de soupes, etc., de pleines jarres d’alcool de riz. Avec un recueillement tout particulier, les indigènes se prosternent devant cet autel bizarre et le plus vieux d’entre eux, leur chef généralement, prononce une invocation et adresse des remerciements à Boudha. Cette prière est de bien courte durée. Aussitôt commence cette agape vraiment pantagruélique pendaut laquelle on mange les présents faits au dieu. L’alcool de riz coule à pleins bords, les langues se délient, l’esprit railleur des Cambodgiens s’en donne à cœur joie. Les chants, la musique font rage, des artistes s’improvisent, mais peu à peu, l’alcool aidant, le sommeil ne tarde pas à fermer leurs paupières et ils peuvent ainsi, tout en exhalant les vapeurs de l’alcool, rêver à leur future récolte de cardamome. L’arrondissement de Pursat est encore très riche en riz. M I S S I O N S D E VACCINE AU CAM BODGE. 191 Aussi, en 1896, cette province occupait-elle la quatrième place, comme impôt sur les riz, avec un total de 1o,5oo piastres. Les autres produits proviennent surtout de l'exploitation des forets. On trouve des Lois qui sont qualifiés bois de première catégorie. Malheureusement, les moyens de communication font absolument défaut, et l’exploitation forestière qui constituerait pour cette région une excellente source de revenus est à peu près nulle. Les indigènes construisent des pirogues très renommées par leur élégance, leur solidité et leur rapidité à la course. Nous avons vu sur chantiers à Pursat une pirogue d’un seul morceau qui mesurait vingt-cinq mètres de long. Dans les forêts, les indigènes chassent les cervidés, tels que l’élan, le chevreuil et les diverses espèces de cerfs au moment où ces animaux ont les cornes molles. Ces cornes sont vendues à un prix très rémunérateur aux pharmaciens chinois, la corne de cerf tenant une très grande place dans leur pharmacopée comme hémostatique utérin. L’éléphant vit dans la région de Pursat à l’état sauvage, par troupeaux qui, parfois, causent des ravages extraordinaires. L’ivoire de ces animaux est fort beau et se vend très cher. Le rhinocéros unicorne, le buffle et le bœuf sauvage, le tigre, la panthère, l’ours brun de petite taille, le chat sauvage, diverses sortes de fouines abondent dans ces parages. En allant à Pursat , j’avais reçu l’ordre de passer la visite du détachement d’infanterie de marine, caserné au fort, et, en attendant le bateau descendant de Battambang, de vacciner Pursat et les villages environnants. Le soir même de mon arrivée, je pratiquai des inoculations à la l’ésidence. Les médecins qui avaient accompagné les troupes à Pursat lors du soulèvement de 1885-1886 ayant déjà vacciné dans celle localité, ma tâche y fut beaucoup plus facile que partout ailleurs. Aussi pus-je vacciner tous les enfants du village, au nombre de 890, en une seule séance. Le lendemain 27 septembre, à 6 heures du matin, je montais- 1 9 2 J. NOGUÉ. à cheval et je me rendais dans les centres, situés le long de la rivière, en suivant un sentier assez praticable, quoique défoncé par les pluies et l’inondation. Vers 9 heures, j’étais à Phsar-Lveu, village cambodgien composé d’une quarantaine de cases et situé à 20 kilomètres environ de Pursat. Les indigènes cultivent la rizière, exploitent les forêts, fabriquent de l’huile de bois, des torches et des résines. C’est en quelque sorte le point où se centralisent les produits des montagnes de Pursat. J’y vaccinais 3A enfants. Quelques instants après je remontais à cheval et revenais sûr mes pas pour visiter Lolocksar où j’étais passé le malin de bonne heure, informant les habitants que je vaccinerais leurs enfants à mon retour. Lolocksar est un village d’environ 80 maisons. C’est un centre commercial assez important où les habitants des montagnes viennent échanger leurs produits contre des tissus. La population est assez dense; elle se compose de Cambodgiens, de Chinois, d’Annamites et de métis. Je pratiquai 219 inoculations. J’abandonnai alors le cheval pour redescendre la rivière en pirogue. C’est un torrent étroit, où le courant est d’une violence extrême, les berges sont hautes, semées de champs de riz ou plantées d’arbres. Au bout de quelques minutes, j’étais à Prec-Sedey, demeure du gouverneur cambodgien de la province de Pursat. Il était de mon devoir de m’arrêter quelques instants dans le fief de ce potentat indigène. Je pus, grâce à son concours, vacciner 37 enfants. Le soir même, je rentrais à Pursat. Le lendemain matin (27 septembre), je profitais des courants pour descendre la rivière en pirogue et je m’arrêtais à Kendieng, village peu important situé sur la rive gauche. A quelques minutes de là, est le village important de Si, entrepôt des poissons salés des grands lacs, et où se font toutes sortes de transactions entre les indigènes de la province et les commerçants chinois. Après avoir vacciné 255 enfants, je me MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 193 vis, faute de vaccin, dans la cruelle nécessité de cesser. J’avais obtenu un total de 93G inoculations qui se répartissent de la façon suivante : Cambodgiens . . .838 inoculations Annamites........39 Chinois 44 Métis................15 T o t a l 936 Cette tournée avait été faite dans de très mauvaises conditions : i° je n'emportais que fort peu de vaccin; 2° je ne possédais aucun renseignement sur Pursat et je partais trop précipitamment. Très satisfait cependant du résultat obtenu, je regagnai le Ballambang dans le grand lac, le soir à 6 heures. Quelques instants après, éclatait une tempête qui nous obligea à rester au mouillage, la navigation de nuit étant très dangereuse dans ces parages. L’époque pour vacciner, à Pursat, avait été mal choisie. Tout était inondé et, dans ces conditions, on ne peut songer à naviguer en pirogue dans une région aussi boisée et aussi montagneuse. Le meilleur moment, d’après les personnes qui habitent le pays, serait le mois de mars et le moyen de locomotion auquel il faudrait donner la préférence serait l’éléphant. Il est alors possible de visiter les deux centres importants de Bac-Kandol et de Svai-dou-Kéo et de parcourir toute la province de Pursat en huit jours. Dans la région que j ’ai si rapidement parcourue, j’ai été frappé du grand nombre d’indigènes atteints de goitre. Le paludisme, la fièvre des bois, la variole, le choléra et les affections cutanées y font de nombreuses victimes. C’est là que, pour la première fois, nous avons remarqué combien les papillomes cornés et muqueux sont fréquents chez les enfants; Ils siègent principalement au niveau des organes génitaux, des membres supérieurs et inférieurs, des articulations et surtout aux lèvres. 194 J. NOGUÉ. Les indigènes les soignent à l’aide de certains caustiques ou les brûlent au fer rouge. CHAPITRE VI. L ’ I N O N D A T I O N . ------- U N V O Y A G E A U M I L I E U D E S H E R B E S . -------- T A K E O . Taleêo. — Parti de Phom-Penh le jeudi 5 novembre 1896, vers onze heures du soir, à bord du Laos, j’arrivai à Takéo le lendemain soir, à huit heures, après avoir fait en jonque les dix derniers kilomètres du voyage, dans une région envahie par les hautes herbes et en ce moment inondée. La résidence de Takéo date de 189A. Elle comprend cinq provinces: Treang, Bâti, Prey-Kabas, Kasshoin, Lœc-Dèk. Aujourd’hui, les communications avec Takéo se font par Chaudoc (Cochinchiiie); les Messageries fluviales ont installé cette année un service qui, à la saison des hautes eaux, se fait jusqu’à Takéo et, à la saison sèche, jusqu’à Kompong-Youl, village situé à mi-chemin de Chaudoc et de Takéo. Ce service est assuré par une vieille chaloupe qui manque de confort. Le moment de l’année est bien choisi pour faire dans la résidence de Takéo une tournée de vaccine. La crue était très forte. De ce fait, il était aisé de se rendre partout, soit en chaloupe, soit en jonque. J’arrivais à Takéo plein d’espoir et de bonne volonté. Mais hélas! mon enthousiasme fut bien vite calmé par l’inertie et 1indifférence que je rencontrai. Les gouverneurs cambodgiens qui auraient dû m’aider et donner des ordres n’en firent rien, aussi mes dons en nature, mes encouragements ne parvinrent-ils pas à les faire sortir de leur apathie. Quelques enfants vinrent se faire inoculer, mais le plus grand nombre n’osant pas venir jusqu’à nous se dissimulaient avec soin dans les maisons. Espérant que la crainte qu’inspi rait ma présence disparaîtrait, j’envoyai le lendemain, dès la première heure, mon interprète dans le village pour conseiller aux parents de faire vacciner leurs enfants. Il ne réussit pas à MISSIONS DE VACCINE AP CAMBODGE. 195 les persuader, aussi, en deux jours, je ne pus inoculer, dans un chef-lieu de résidence assez peuplé, que 190 enfants : Cambodgiens........................... Chinois................................... ................. 86 ................. 5 Métis....................................... ................ 7 T o t a i ............................ Découragé par cet insuccès, je demandais une jonque pour parcourir les provinces de la résidence. De soir à 11 heures, je partais pour Bâti. Une bonne jonque confortable montée par six rameurs cambodgiens m’y amenait en 6 heures. .le laissais çà et là des points que l’inondation n’avait pas atteints et qui me paraissaient très peuplés, me proposant de les visiter à mon retour. Bâti est un poste douanier, situé au pied d’une montagne célèbre par ses ruines. C’est un village peu important où un Chinois a installé une distillerie d’alcool de riz. En compagnie de l’agent des douanes, je visitais ce pauvre village et expliquais aux indigènes le but de ma présence au milieu d’eux. Je n’ai vacciné à Bâti que 95 enfants :Cambodgien............................... Annamites................................. Métis......................................... ................ 36 Le 10, je reparlais dans la direction de Takéo et, chemin faisant, je m’arrêtais, en compagnie de l’agent des douanes de Bâti, à tous les villages situés sur ma route sans pouvoir pratiquer une seule inoculation. Les Cambodgiens me répondaient invariablement : « Il n’y a pas dans le village d’enfants à vacciner. Ils ont déjà été vaccinés par le médecin chinois ou malais ou ont eu la variole. Nous n’avons pas reçu d’ordre de notre gouverneur. •» 1 9 6 J. NOGUÉ. Le soir, j’arrivais à Takéo et, le lendemain, je me mettais en route immédiatement pour Bavio, les villages de la rivière de Takéo et la province de Prey-Krebas. À 6 heures du soir, j ’étais à Bavio (Kabal-Pou en cambodgien). Tout le village, fuyant l’inondation, s’était réfugié sur un monticule et était entassé là, pêle-mêle, avec les animaux domestiques. Je procédai à 121 inoculations. Pas un enfant ne m’avait échappé :Cambodgiens Chinois . . . . Annamites. . Métis........... 7 inoculations. 18 68 98T o t a l . 121 À midi, je remontais dans ma jonque et je m’arrêtais le long du fleuve chaque fois que je trouvais un village. À part Kompong-Youl qui est assez important, les autres villages ne sont que des agglomérations de cases délabrées où s’étaient réfugiés quelques Annamites, en attendant que l’inondation fût terminée. À la fin de la journée, j’avais vacciné 156 indigènes, le chiffre total des vaccinations de celte tournée étant de 562 : N in g - K a m . Annamites 37 inoculations. Malais . . . AnnamitesB u n g d o n ou K o m p o n g y o u l . 20 inoculations, 25T o t a l 45 MISSIONS DE VACCINE Ali CAMBODGE. 197 V u n g d u n g ou K o m p o n g a m p i l . Annamites......................................... .. 11 inoculations. Chinois 12 Métis 3 Cambodgiens 2 Makis 3 To ta l .................................................. 31 K o m p o n g - K a s sa n g . Annamites................................... Chinois........................................ Métis............................................. Cambodgiens................................ 20 inoculations. 7 2 J14 T o t a l . 43 Je devais me rendre dans la province de Prev-Krebas; nous marchions même dans celle direction depuis quelque temps, au milieu des hautes herbes, dévoré par les moustiques et les insectes de toutes sortes. Je prévoyais non seulement pour moi, mais aussi pour mon escorte et mes rameurs une nuit pénible, quand le doi de la milice me déclara qu’il était impossible d’aller plus loin. En effet, la route était impraticable pour notre jonque qui, beaucoup trop longue, ne pouvait avancer que très difficilement au milieu de ces herbes. Nous rebroussâmes chemin, passâmes la nuit au mouillage au milieu du fleuve espérant pouvoir reprendre le lendemain matin, en gheluong (bateau très petit), la route de Prey-Krebas. Dans cette région déserte, je ne trouvai que deux ou trois de ces bateaux plats, faisant eau de toute part. Suffisants pour des indigènes, ils ne m’offraient ni garanties, ni sécurité; aussi fus-je obligé de renoncer à ce voyage et de retourner à Phnom- Penh. Les premiers jours du mois de décembre, je recevais l’ordre d’aller visiter les villages situés sur le Tonlé-Tauch. 1 9 8 J. NOGUÉ.CHAPITRE VII. BANAM-PREY-VENG. ----- LE TONLË-TADCH. RICHESSES DES PROVINCES D E L O V E A - E M - S I T H O - P A R A N G , S 1 T H O - K A X D A L , S O A I - R O M I E T , T U B O N G - K H M U M . Le To n l é- T a d c ii. — Au mois de décembre, les eaux du grand fleuve, des lacs et de tous les affluents s’écoulent vers la mer, avec une rapidité extraordinaire. Le vent souille avec force, c’est le meilleur moment de l’année au Cambodge. La température y est assez agréable : maximum, 28 degrés; minimum, 18 environ. Le 6 décembre 1896, à quatre heures du matin, je prenais à bord du Laos la direction de Banam. Grâce à la force des courants descendants, j’y était à sept heures. Banam est un centre très important, situé à quelques centaines de mètres du grand fleuve, sur un affluent, l’arroyo de Banam. Ce point est peuplé de Chinois, de Cambodgiens et d’Annamites. C’est là que j ’ai vu les plus beaux types de métis sino-cambodgiens. Banam est peut-être, après Pnom-Penh, le centre commercial le plus important du Cambodge. C’est là, en effet, que se concentrent le riz et tous les autres produits des riches provinces environnantes. Le visiteur est bien vite frappé de l’activité qui règne sur ce marché. De grosses jonques chinoises montant chaque jour à Phnom-Penh donnent à ce poste une vie toute particulière. Banam, autrefois chef-lieu de résidence, dépend aujourd’hui du poste administratif de Prey-Veng; néanmoins il y a un télégraphiste européen, un entreposeur des douanes et des préposés aux distilleries indigènes. Banam, centre commercial très riche, était naturellement indiqué aux vaccinateurs chinois et malais; les cicatrices que j’ai vues sur les bras des indigènes indiquent clairement MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 199 qu’ils en ont fait un centre d’opérations très important et probablement très rémunérateur. Dans la journée, j ’ai pu cependant inoculer 236 indigènes : Cambodgiens.............................................. 49 inoculations. Annamites............................ 103 Chinois 46 Métis 38 T o t a l ..................................... 236 Le lendemain matin 7 décembre, je partais dans la direction de Prev-Veng. Mais l’inondai ion avait si bien changé la physionomie du pays que le taïcon (pilote) du Laos qui, quelques jours auparavant, était allé à Prey-Veng se perdait au milieu dos eaux et des forêts. Nous cherchions en vain notre route, quand, vers dix heures, nous aperçûmes sous bois un gheluong monté par deux Cambodgiens, qui nous indiquèrent enfin le bon chemin. Vers midi, le Laos mouillait en face de Prey-Veng, qui n’était pas encore poste administratif. Ce n’était que le chef-lieu de résidence du gouverneur de la province. Ce dernier, informé de mou arrivée, avait pris toutes les dispositions pour me bien recevoir. Le poste administratif de Prey-Veng, borné au nord par le Tonlé-Thom ou Grand Fleuve et la circonscription de Pnom­ penh (provinces de Khsach-Kandal et de Lovea-Em), à l’ouest par le Toulé-Thom, au sud par la Cochinchine, à l’est par la circonscription de Soairieng, au nord-est par celle de Pnom­ penh (province deThbong-Khnum), est une région légèrement accidentée, sillonnée de rivières et de canaux qui se déversent les uns dans les autres, suivant les saisons. Les principales sont : le Prek-Khsach-Sà (rivière au sable blanc), le Prek de Banam qui s’appelle aussi Prek de Kompong-Tabec (rivière de goyaviers), le Tonlé-Tauch (petit fleuve), sorte de grand canal naturel, qui, partant du Prek de Banam, au point appelé Péam-Méanchey (estuaire de la victoire), va rejoindre le grand 200 J. NOGUÉ. fleuve en face de l’ile de Kassutin (le Prek de Prey-Veng) [la forêt large], passe devant le centre administratif de Prey-Veng et se jette dans le Tonlé-Tauch. Cette région est couverte en parties, à peu près égales, vers l’est, de vastes rizières; vers l’ouest, de forêts immenses qui se prolongent jusqu’à la chaîne annamitique. La province de Prey-Veng produit principalement du riz; ville princi­ pale Prey-Veng, centre administratif de la circonscription, sur une sorte de lac qui communique avec le grand .fleuve par le Prek de Prey-Veng, le Toulé-Taucli et le Prek de Banam. Le lendemain matin, je commençai mes inoculations, j ’arrivai à un total de 5o9 : Cambodgiens............................................. 388 inoculations. Annamites................................................. 52 Mélis 36 Cambodgiens (revaccinés) 33 Total 5 0 9 Ce résultat était encourageant. Je partais le soir, vers trois heures, pour la province de Lovea-Em, village de Prek-Ghruc où j’arrivais vers six heures, le 9 décembre. .1étais maintenant dans le fameux Tonlé-Tauch. Le Tonlé-Tauch est une rivière de quelques mètres de largeur, qui n’est navigable pour les chaloupes à vapeur que pendant la saison des hautes eaux; c’est-à-dire de septembre à fin janvier. La population est dense, active, laborieuse; les rives sont très bien cultivées; à droite et à gauche, on ne voit que des plantations et des arbres fruitiers. Cette population inonde le marché de Banam des produits de la terre et des sampotes que les femmes tissent pendant toute l’année. Le Tonlé-Tauch arrose les belles provinces de Lovea-Em- Sitho-Parang, Sitho-Kandal, Soai-Romiet, Thbong-Khmum. Sitho-Parang (Sitho de droite) produit du riz et du maïs en grande quantité. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 201 Sitho-Kandal (Sitho du milieu), outre le riz et le maïs, produit aussi de la sésame. Les graines sont utilisées sur place pour l’alimentation. Les indigènes les broient grossièrement entre deux pierres, plus souvent dans un mortier, puis les font cuire avec le poisson ou les légumes, auxquels elles abandonnent leur matière grasse. Ils n’extraient pas l'huile de la graine. Soai-Romiet (Sitho de gauche), province située en majeure partie sur le grand fleuve, est très riche en riz et produit beaucoup de sucre de palme. On l’extrait de la sève d’un palmier, Borrassus Jlabelliformis. À l’époque de la floraison, quand l’immense grappe de fleurs est épanouie, on coupe l’extrémité des inflorescences et on les introduit dans un tube en bambou de o m. 3o de long environ, qui reçoit le suc écoulé par la plaie. Celui-ci est limpide, blanchâtre, très sucré, d’une saveur agréable, quand il est frais. Au bout de vingt-qualre heures, il a déjà subi un commencement de fermentation et devient acide et alcoolique. Pour en extraire le sucre, on le fait évaporer à la chaleur artificielle, avant qu’il ait commencé à fermenter; on obtient ainsi un sucre blanchâtre, qu’on enroule dans des feuilles de bananier et qui est vendu sur les marchés du Cambodge. En 1897, deux industriels de Pnom-Penh y ont monté une distillerie européenne. Ils fabriquent avec le palmier à sucre une eau-de-vie à laquelle ils ont donné le nom de Borassus. Nous n’avons pas la compétence voulue pour préciser la valeur intrinsèque de celte eau-de-vie, mais il est à craindre qu’on ne puisse l’écouler sur les marchés. La province de Thbong-Khmum est très riche, en rizières, en tabacs et en colon. Laissant de côté les tabacs de Kampot qui sont très renommés, les tabacs les plus beaux et les plus prisés sont ceux qui poussent dans Thbong-Klimum et sur les berges du grand fleuve. L’espèce cultivée est le nicotiana Uibacum. Les semis sont faits sur une plate-bande bien fumée au préalable, et on repique en rangées. Au fur et à mesure que les feuilles atteignent a n n . d ’ iiy g . c o l o n . — Avril-mai-juin 1898. I — 1/1 202 J. NOGUÉ. leur entier développement, on les cueille, on les sèche et on les coupe en filaments très lins. Les indigènes fument le tabac dans des pipes du pays en cuivre ou dans des pipes européennes. Ils le fument aussi en cigarettes très allongées faites avec du papier de riz ou des morceaux de feuilles de bananier. Ce tabac n’est pas assez soigné pour être exporté en Europe. L’intérieur de la province renferme de beaux bois de construction. VACCINATIONS.P rovince de L o v ea - E m ( v i l la g e de P r e l t - C h r u c ) . Cambodgiens................ '. .......................... 15g inoculations. Annamites 19 T o t a l 178P rovince de S i th o - P a r a n g ( v i l la g e de P h u m - T r a l ) . Cambodgiens............................................. 111 inoculations. ( V illa ge de P h u m - Y o u t ) . Cambodgiens................................... 9 a inoculations. P rovince de S i th o - K a n d a l (P h u m - S a p r e y ). Cambodgiens............................................. 115 inoculations. P rek - C h a n c ra u . Cambodgiens............................................. h 01 inoculations. Métis......................................................... 1 0 a Annamites 11 T o ta l ............................................... 5 i 4P ro v in ce de T l ib o n g - K l in u m . Néant. Les indigènes ont prétexté qu’ils n’avaient pas reçu d’ordre de leur gouverneur pour ne pas amener leurs enfants. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. • 2 0 3P rovince de S o a i - R o m ie t ( v i l la g e de P h u m - L o v é ) . Cambodgiens................................................... 89 inoculations. Soit un total de i,8ùù inoculations qui se divisent de la façon suivante :Cambodgiens Annamites.. Chinois . . . . Métis...........1,437 inoculations. i 8 5 4 6 176 T o t a l . 1 , 8 4 4 J’avais ainsi parcouru le Tonlé-Tauch dans toute sa longueur, j’étais arrivé au grand fleuve en face de l’ile de Kassutin et non loin des ruines de Kompong-Tiam que je visitai pendant une demi-journée. /10 milles me séparaient de Pnom- Penh où j ’étais le lendemain matin aux premières lueurs du jour. CHAPITRE VIII. DE PHN0JI-PENI1 À SOAI-RIENG PAR LA COCHINCHINE. ----- LE VAICO OCCIDENTAL. ------ LA PLAINE DES JONCS. TOURNEE DE VACCINE. ----- LES FORÊTS DE RO.IIDUOL ET ROMEAS-HEK. S o a i - r i ê n g . — J’ai fait la tournée de vaccine dans l’arrondissement de Soai-riêng en saison sèche. Pour me rendre dans ce chef-lieu, j’ai suivi la longue route naturelle par Mytho et Tanan (Cochinchine), tandis qu’en saison des hautes eaux il est très aisé d’aller directement et en peu de temps de Banam à Soai-riêng, en suivant le prêle (cours d’eau). Pour aller de Tanan à Soai-riêng (douze heures de chaloupe à vapeur), par le Vaïco occidental, on traverse l’uniforme et monotone plaine des joncs où, eu plein jour, on est exposé à un soleil brûlant très pénible à supporter; tandis que, pendant 2 0 4 J. NOGUlv Ce voyage est certainement un des plus pénibles que j’ai faits au Cambodge. La résidence date de 1891. Elle est bâtie sur la rive gauche du Vaïco occidental, au village de Potaho. Elle tire son nom de l’arbre appelé Po (arbre centenaire) planté par un vieillard (un Cambodgien qui s’appelait Ilo). En 1897, résidence a été transférée sur la droite à l’endroit appelé Prey-Sla (arbre sauvage), dans le voisinage d’une pagode qui porte le nom de Wat (pagode) Prey-Sla. Le village de Soai-rièng, qui donne son nom à la résidence, est situé à environ 20 kilomètres au N.-N.-O. de Potaho. La résidence est administrée par un résident, un chancelier, un garde de la milice ayant sous ses ordres 80 miliciens cambodgiens. Le service des douanes comprend un poste à Tamlong. Les postes annexes sont : Soc-Noc, Nangin, Péam-Mytrey. Les receveurs de distillerie sont à Trabec, Soc-Noc et Ben-cau. Les missions sont au nombre de quatre, installées à Trabec, Somrong, Méreak et Prasut. 1 n’y a de père européen qu’à Trabec et à Somrong. Les deux autres chrétientés sont dirigées par des indigènes. Soai-riêng comprend trois provinces : Romduol, Roméas- Hêk et Svai-Tép. C’est une région peu peuplée, où les communications se font très péniblement, en saison sèche, par charrettes à buffles, à bœufs ou à cheval. Les villages sont éloignés les uns des autres et ne sont jamais aussi agglomérés que sur les rives des fleuves. Svai-Tèp et une grande partie de la province de Romduol est un pays de rizières uniforme et plat. L’autre partie de Romduol et Roméas-Hèck sont des provinces riches en magnifiques forêts, où se fait un commerce de bois assez important. L’itinéraire que j’ai suivi dans cette vaccine a été le suivant, et voici en même temps le nombre des inoculations : MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 205 T raho. Cambodgiens (dont 75 miliciens)................ Annamites..................................................... 119 inoculations. 27 Métis.............................................................. 4 Chinois........................................................... 7 T o t a l ................................................ 157 Vaccinés j Cambodgiens... 35 pour ladeuxième fois. ( Annamites............ 9 T o t a l ................................................ 201 Vérification le 6 février 1897 (2e séance de vaccine) : Bons.............................................................. 174 inoculations. Insuccès......................................................... 21 T o ta l ................................................ 195 Vaccinés pour lapremière fois :Cambodgiens. 17 Revaccinées ( femmes demiliciens) 61 T o t a l 78Ce qui fait pour Traho un total général de : 201 -j- 78 = 279 vaccinations. Dans ce total de 279 vaccinalions, il faut remarquer qu’il y a 75 miliciens et 61 femmes ou sœurs de miliciens. Les autres inoculations ont porlé sur des enfants du village de Tralio, des maisons cambodgiennes situées dans un périmètre de 5 kilomètres autour de la résidence et des enfants habitant dans des jonques venues pour chercher du paddy. Au contrôle, la proportion des insuccès est assez élevée. Cela lient à ce que nous avons revacciné un assez grand nombre de miliciens et de femmes déjà âgés ou qui avaient été vaccinés autrefois par le médecin vaccinateur de l’Est de la Cochinchine, qui venait régulièrement lous les six mois à Trabec. Comme toujours, les pustules de vaccin étaient très belles. 206 J. NOGUÉ. Trabec. — Village situé en face de Traho. Il n’y a qu’à traverser le Vaïco en sampan. Résidence future. Chrétienté importante : Annamites (vaccinés pour la première fois). 45 Annamites (vaccinés pour la deuxième fois). 54 Cambodgiens.................................... 2 T o t a l ................................... 101 Pra-sot. — Village situé à deux heures de cheval de la résidence, sur un prêk à peu près complètement desséché pendant la saison sèche. Marché assez important où les Cambodgiens et les Annamites viennent apporter leur paddy: Cambodgiens.............. 27 inoculations. A n n am ite s 28 Métis........................................................... 3 o T o t a l 85 Pas de contrôle. Kompong-Chok. — Marché très important situé au N.-E. de la résidence, où montent à la saison des pluies les jonques qui viennent chercher le paddy. Le nombre des cases est assez considérable. De riches Chinois y accaparent tous les riz de la province de Romduol.Cambodgiens Annamites. . Métis.......... Chinois . . . .28 inoculations. 8 4 1 2 6 T o t a l , 13 o Contrôle le 6 février 1897. Très peu d’enfants sont venus au contrôle, mais ceux que nous avons vus, en allant de case en case, étaient porteurs de superbes pustules. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 207 Kompong-Gemlang (Tamlon annamite). — Village situé sur la rive droite du Vaico occidental. Au S.-S.-O. et à deux heures de jonque de la résidence. Centre important où de nombreux Chinois font le commerce du paddy. Cambodgiens Annamites . . Métis.......... Chinois........16 inoculations. 42 22 5 T o t a l , 85 Pas de contrôle. Nan-gin. — Nan-gin se trouve situé au Nord de la résidence, sur la frontière des deux provinces de Romduol et de Roméas-Hêk. La distance qui sépare Nangin de la résidence est d’environ 25 kilomètres. A défaut de chevaux le meilleur mode de locomotion à employer est la charrette à bœufs ou à buffles. Les seuls points habités qu’on trouve sur son passage sont : Hom-pong-Choh et une pagode située à deux heures de Nangin. Tout le reste n’est que forêts et rizières avec quelques rares cases clairsemées. La meilleure façon de se rendre de la résidence à Nangin est de partir de la résidence le matin au jour, d’aller vacciner à Kompong-Chok et de venir le soir coucher à la pagode, d’où on repart le lendemain matin pour Nangin. Cambodgiens................................................ 57 inoculations. Annamites 18 T o t a l 75Pas de contrôle. Péam-Mytrey. — De faux renseignements nous ont fait aller à Péam-Mytrey, qui n’est qu’un simple poste douanier établi par le Cambodge, au confluent des trois rivières : le rac Logo, le rac Cay-Caï et le Vaïco en face du poste cochinchinois de 2 0 8 J. NOGUÉ. Long-Phu. À Péam-Mytrey, il n’y a pas d’habitant; le médecin vaccinateur n’a donc pas à s’y rendre. Kompong-Somrong. — Chrétienté située dans la province de Rotnéas-Hêk, sur le rac Nangin, à une heure et demie de jonque de Nangin. Centre assez important où se trouve agglomérée une population composée en grande partie d’Annamites. Annamiles................................................... 49 inoculations. Métis 17 T o t a l 66 Le médecin vaccinateur devra, comme nous l’avons fait, réunira Kompong-Somrong tous les enfants des villages environnants situés sur les bords du rac Nangin. Tanon. — Tanon est un village annamite situé sur le prêk qui va de Soai-riêng à Banam. * Village important comptant une grande agglomération. On s’y rend de la résidence en jonque en cinq heures environ. Ce village venait d’être vacciné, depuis trois jours, par le médecin vaccinateur de l’Est de la Cochinchine. Tels sont les résultats des vaccinations de la première ournée qui ait été faite dans la circonscription de Soaï-rièng. Soit un total de 821 vaccinations qui se répartissent de la façon suivante :Cambodgiens Annamites. . Chinois . . . . Métis..........362 inoculations. 356 18 85T o t a l ............................................... 8 21 Voici maintenant quel devrait être l’itinéraire suivi en saison sèche, par le médecin vaccinateur : Se rendre à Trabec (Soai-riêng ) par Mytho et Tanan. .MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 209 1" jour. Vacciner à Trabec, le matin, et à Traho, le soir. 2 'jour. Vacciner à Kompong-Gemlang (Tandon annamite), et à Tanon en jonque, Partir à cinq heures du matin. Retour à Trabec pour dîner. 3° jour. Vacciner : le soir à Prat-Sot. Au maximum deux heures de cheval. A”jour. Vacciner : Hompong Chok. Partir à cheval de la résidence à cinq heures et demie du matin. Vacciner et déjeuner à Hompong- Chok; à trois heures départ pour la pagode, où on arrivera pour dîner et coucher. 5”jour. Partir de bonne heure pour Nangin, où on sera au bout de deux heures de marche. Vacciner le soir à Nangin. 6° jour. Nangin étant un poste douanier, le médecin vaccinateur pourra aisément y prendre un jour de repos. Le pays est giboyeux et les chasseurs trouveront toute espèce de gibier. 7' jour. Départ en jonque, pour Kompong-Somrong, y vacciner le matin. Déjeuner à la chrétienté et y passer l’heure de la sieste. Dans la nuit, se rendre à la pagode de Chentrey en charrettes à buffles. 8ejour. Vacciner à Chentrey, centre peu important, et partir aussitôt pour Méreak, résidence du gouverneur cambodgien (charrettes à buffles ou cheval). 90jour. Vacciner à Méreak. 10'jour. Dans la nuit, retour à Trabec (charrettes à buffles ou cheval). Contrôle. — Dans sa tournée de contrôle, le médecin vaccinateur pourra, au moins pendant les deux premières années, se contenter de contrôler les centres les plus rapprochés de la résidence, par exemple : Traho-Trabec, K.-Gemlang, Tanou, Pra-Sot, K.-Chok et Nangin ou Méréak. La circonscription de Soai-riêng est une des plus fertiles du Cambodge. Toute sa richesse consiste en rizières et en forêts. Elle a fourni, pendant l’année 1896, plus de i5,ooo tonnes de paddy. 210 J. NOGUÉ. C’est de toutes les circonscriptions du Cambodge celle dont le rendement de l’impôt est le plus élevé. Les forêts sont situées au Nord de la province de Romduol et s’étendent dans presque toute la province de Roméas-Hêk. Elles renferment d’excellentes qualités de bois pour la construction, l’ébénisterie et la teinture. Les bois coupés sont traînés par des buffles jusqu’à un cours d’eau pour être exportés ensuite sous forme de radeaux. Ces forêts sont encore peu exploitées, faute de bras et de moyens de communications. Elles produisent d’excellentes résines pour les torches et le calfatage des barques. Les bêtes fauves y sont très nombreuses. Le gibier de plume et de poil est peu chassé, aussi y est-il très abondant. Pathologie de la circonscription de Soai-riéng. — Le choléra fait très peu de ravages parmi la population. On a même remarqué que, pendant les plus fortes épidémies, cette région était à peu près épargnée. La variole en revanche y sévit avec persistance et fait chaque année de nombreuses victimes. En 1896, on en constatait encore des cas au mois de novembre, alors qu’elle avait disparu de toutes les parties du royaume après les premières pluies. La fièvre paludéenne et la fièvre des bois y règnent également. Les indigènes, et particulièrement les enfants, sont souvent couverts de vastes plaies ulcéreuses qu’ils saupoudrent de poussière d’alun brûlé. CHAPITRE IX. D E P H N O M - P E N I I À K A M P O T . ------- L A C I R C O N S C R I P T I O N , L E S P R O V I N C E S . --------- L E N U O C - M A M A N N A M I T E E T L E P R A H O K C A M B O D G I E N . -------- L E P R A N K . ------- L A C U L T U R E D U P O I V R E . ------- K A M P O T . ------- U N E P L A N T A T I O N D E C A F E M O K A . ------- L A P O I N T E S A M I T . -------- I L E S D U G O L F E D E S I A M . -------- T O U R N É E D E V A C C I N E . K a m p o t . — Plusieurs routes conduisent de Pbnom-Penh à Kampot : MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 211 i° La voie fluviale par Chaudoc, le canal d’Hatien (Cochinchine), le golfe de Siam: 2° De Phnom-Penh à Hatien et d’Halien à Kampot à elephant, en suivant le bord de la mer; 3” De Phnom-Penh à Thonon (canal d’Hatien) et de ce dernier point à Kampot à éléphant, en traversant les belles et riches provinces de Bontey-Meas et de Peam; 4° Enlin la voie de terre par la roijle en construction, qui reliera directement la capitale du Cambodge à Kampot. À l’aller j’ai suivi la route fluviale jusqu’à Thonon et de là j’ai gagné' Kampot, en visitant les deux provinces de Bontey- Meas et de Peam. La circonscription de Kampot est une des plus riches et des plus pittoresques du royaume; elle comprend quatre provinces qui sont en allant de l’Est à l’Ouest : Bontey-Meas (la citadelle d’or). Peam (le confluent). Kampot. Kompong-sor (la berge du rotin). La résidence de Kampot date de 1885. Elle fut fondée à cette époque en même temps que celles de Kratié, Pursat, Phnom-Penh, Kompong-Thom, Benam, Kompong-Tiam, et Kompong-Chnang. A celte époque, la résidence fut construite en paillottes, au Nord de Pile de Trey-Ga, à côté du service télégraphique et des services militaires (infanterie de marine et tirailleurs). L’ile Trey-Ca est possession française, et, dès avant l’insurrection, le gouvernement français y avait installé un bureau postal télégraphique. Cette île est formée par les deux bras de la rivière de Kampot. Elle fut concédée au gouvernement français par le roi du Cambodge, suivant convention, en date du 12 avril 1882. Celte concession avait en principe pour but l’établissement d’un poste de police à l’embouchure de la rivière de Kampot, 212 J. NOGDÉ. pour surveiller la contrebande des munitions de guerre et de l’opium. Après l’insurrection de 1885-1886-1887, M. le gouverneur général (1888), décida de transporter la résidence ainsi que le télégraphe à Kompong-Baï (la berge du riz cuit), sur l’emplacement d’un ancien village chinois complètement brûlé par les rebelles. Les provinces de Peam, Kampot, et Kompong-Som sont les seules provinces maritimes du Cambodge. Toute cette région est très montagneuse, surtout dans le voisinage de la mer; le massif le plus considérable est celui de l’Eléphant, dont le point culminant, le Phnom-Popol-Vil, atteint environ 1,200 mètres. Les forêts sont très giboyeuses et renferment de très beaux bois. La province de Peam renferme les plus belles poivrières du Cambodge; le calcaire y est très abondant, et la chaux que l’on en retire est très estimée. La province de Kampot, une des plus riches du royaume, produit du poivre, du riz, du sucre de palme; son tabac et ses fruits jouissent à juste titre d’une réputation méritée. Kompong-Som, peu peuplée, est couverte d’immenses forêts renfermant des bois d’une grande valeur, mais inexploitée, faute de bras et de débouchés. Les habitants do l’intérieur cultivent le riz et récoltent les résines forestières, notamment la gomme-gutte et le benjoin. Ceux qui habitent les bords du golfe de Siam font du mam de crevette (huile), exporté à Bangkok, où il est apprécié. Les Cambodgiens mangent le pràhok qu’ils préparent de la façon suivante : Le poisson pris, vidé et décapité, est exposé au soleil pendant deux ou trois jours, puis placé dans des jarres en plans alternant avec une couche de sel. Au bout d’un certain temps de fermentation, on obtient un liquide visqueux d’une odeur désagréable, que les Cambodgiens emploient pour arroser leurs aliments. Les Annamites mangent le nuoc-mam, dont la préparation diffère sensiblement de la précédente : On prend du poisson MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 213 vido et décapité qu’on mélange dans de grandes jarres, avec du sel et du riz non décortiqué et grillé. On laisse fermenter pendant un an, puis on filtre. Le liquide ainsi obtenu a une odeur très désagréable à laquelle on s’habitue cependant très bien. Les Européens habitant l’intérieur de la Cochinchine qui n’aiment pas le nuoc-mam sont assez rares. Il n’en est pas de même du prààk cambodgien, qui ne compte que fort peu d’amateurs. L’Annamite qui veut être désagréable à un Cambodgien l’appelle : tt Mangeur de prâhok». Les Cambodgiens mangent encore le prâàk : mets préparé soit avec de la viande, soit avec du poisson qu’on place dans des jarres en couches alternant avec des couches de sel, et, pour lui donner un goût acidulé très prisé des Cambodgiens, on ajoute du ferment d’alcool. On ne mange guère le prààk qu’après six mois de macération; il se conserve pendant deux ans environ. Bontey-Meas produit du riz, du tabac et du poivre. Cette dernière culture lient encore peu de place, mais, depuis quelque temps, les Cambodgiens s’y adonnent concurremment avec les Chinois, qui paraissent en détenir le monopole. Poivre. — Le poivre (marécli en cambodgien) est le produit d’exportation par excellence de la circonscription de Kampot. Cette culture est en pleine prospérité. Dans le courant de l’année 1896, il a été planté, dans la seule province de Peam, 7,000 nouveaux chonlongs (on désigne sous ce nom deux ou trois lianes qui s’appuient sur un même tuteur) et au moins un nombre égal dans les trois autres provinces. Les Chinois d’Haïnam sont de beaucoup les planteurs les plus riches et les plus nombreux. Pendant les trois dernières années, les quantités exportées ont été les suivantes : 1894 ................................................ 834,456 kilogrammes. 1895 ................................................... 8 9 6 ,018 1890 .................................................... 830 , 782 L’introduction du poivre au Cambodge remonte à 60 ans 214 J. NOGUÉ. environ. Il a été importé par des Chinois qui l’avaient trouvé sur le marché de Singapore. Les poivrières s’obtiennent par boutures plantées en pépinières, puis repiquées en juillet, sur un terrain à l’abri de l’inondation. L’engrais le plus communément employé est la carapace de crevette, desséchée et triturée de manière à lui donner l’apparence du son de froment. Dans la province de Bontey-Meas, on emploie des excréments de chauves-souris. Une infusion de feuilles de tabac sert à arroser les pieds de poivriers et à les préserver des insectes. On arrose les poivrières chaque jour, pendant la saison sèche; pendant la saison des pluies, il faut faciliter l’écoulement des eaux. Les plantations de poivriers sont divisées en longs sillons de 2 mètres environ; les pieds sont plantés autour de forts et solides tuteurs, dressés à 2 mètres les uns des autres. Une plantation nouvelle rapporte au bout de trois ans. La huitième année, son produit est de 1 kilogramme et demi à 2 kilogrammes par tuteur, î hectare de terre peut recevoir environ 2,5oo tuteurs. Kampot, un des centres les plus importants du Cambodge, le chef-lieu administratif et le centre commercial par excellence de la circonscription, est situé sur la rivière du même nom, à 3 kilomètres et demi environ du golfe de Siam, au pied de la chaîne de l’Eléphant. Kampot jouit, grâce à sa situation exceptionnelle, d’une réputation méritée. La douceur de la température, la proximité de la mer, le voisinage des montagnes et l’abondance de fruits aussi exquis que recherchés font de Kampot une des résidences les plus enviées du Cambodge, aussi un sanatorium y trouverait-il sa place. À quelques kilomètres de Kampot, se trouve une plantation de café Moka très importante dirigée par un planteur qui a résidé à Java pendant de longues années. Nous avons visité cette plantation, que son propriétaire agrandit chaque jour. Des plants de trois ans d’existence ont déjà donné un café de bonne qualité, agréable au goût. Tout fait espérer que dans la circonscription de Kampot cette MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 215 culture sera d’un excellent rapport, à condition que les para­ sites ne viennent pas détruire en partie les plantations, ainsi que cela se passe à Java. Il y a encore lieu de citer la pointe Samit, où existe un poste de miliciens commandé par un garde principal. En arrière du poste établi au pied d’une petite colline, se déroulent d'immenses étendues de forêts très giboyeuses. La population est très rare : quelques malheureuses cases isolées, habitées soit par des indigènes vivant de la pèche et de la vente des huiles de bois et des résines, soit par des déserteurs siamois qui viennent demander la protection française. La baie de Samit, abritée du côté de l’Ouest par la presqu’île du même nom, offre un excellent mouillage. Les bateaux qui font le service de Saigon à Bangkok y relâchent à leur passage. La profondeur moyenne des eaux est de 7 mètres et les fonds sont très réguliers. Pendant les opérations de 1873, la France y avait établi un dépôt de charbon. Au point de vue stratégique, Samit est très important; il y a tout lieu de croire qu’il ne se fera pas en ce point d’opérations militaires; mais on peut aisément y faire un dépôt de charbon, et nos bateaux de guerre y trouveront un refuge excellent. L’atterrissage y est des plus faciles par le nord, de nuit comme de jour. Du reste il est question en ce moment d’établir un phare sur file Samit, qui protège à l’ouest la baie dont je viens de parler. Î L E S D U G O L F E D E S I A M . Les îles du golfe de Siam situées entre Samit et Kampot, sont rattachées au Cambodge. Les plus importantes sont la grande Coroug et Kong-Salem. Sur la côte Orientale de cette dernière, s’ouvre la baie de Saracen admirablement abritée contre la mousson de sud- ouest, et qui offre un excellent mouillage pour les grands navires. Sa profondeur moyenne est de 9 mètres. 216 J. NOGUÉ. Un filet d’eau douce descend de l’intérieur de l’ile vers le fond de la baie. C’est en ce point qu’un poste de miliciens cambodgiens a été établi pendant les affaires franco-siamoises de 1893. Celle île est inhabitée et très boisée. On avait installé dans ce lieu de déportation une case pour recevoir sept miliciens préposés à la garde de l’ile. La fièvre et la nostalgie de Kampot eurent vite raison de celte poignée de Cambodgiens. Aussi le poste a-t-il été supprimé. Aucune des îles du golfe n’est habitée. Seules les barques de pêche de Phuquok et de Kampot viennent y chercher un refuge ou y pêcher. Des barques de Singapore, Bang-Kok, Rach-Gia, Hatien fréquentent la côte; malheureusement l’entrée des rivières est obstruée par une barre. À Kampot et à Kompong-Som dont l’accès est plus facile, on ne trouve que 2 mètres et 2 m. 5o d’eau sur la barre, à marée montante. Les deux provinces de Kampot et de Péam envoient chaque année de 5,000 à 6,000 porcs sur le marché de Singapore. T O U R N É E D E V A C C I N E . La tournée de vaccine que j’ai faite dans la circonscription de Kampot a duré du 26 février au 18 mars 1897. La meilleure époque de l’année pour l’effectuer serait fin janvier, février et commencement de mars. Les eaux ont baissé, les communications à cheval, en charrettes à bœufs ou à éléphant sont faciles. Il importe, à tous les points de vue, de traverser les provinces de Péam et de Bontey-Méas. Le plus simple est donc de commencer la tournée de vaccine par la ligne Thonon- Kampot. Parti de Plinom-Penh le 25 février, à dix heures du matin, par le bateau régulier des MessageriesJluviales, qui fait le ser­ vice de Plinom-Penh à Ghaudoc (après une nuit passée dans ce dernier poste), j’ai pris une mauvaise jonque, qui a mis MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 217 28 heures pour me conduire au poste douanier de Thonon, où commençait réellement ma tournée de vaccine. C’est là que j’ai trouvé les éléphants, les chevaux et les charrettes à hœufs qui devaient me servir à parcourir le longue route de Thonon à Kampot, qui compte i5 kilomètres. Kos-Thom, centre de vaccine assez important est, d'après les autorités indigènes, très éprouvé chaque année par la malaria, la variole et le choléra. 28 février. Cambodgiens............................................. 92 inoculations. Annamites................................................. 44 Métis......................................................... 21i Chinois....................................................... 11 Malais....................................................... 8 Annamites................................................. 12 revaccinés. Métis......................................................... T o t a l ............................................... 1 189K o m p o n g - T ra c k . 1" mars. Cambodgiens............................................. Annamites................................................. 67 inoculations. 46 Chinois....................................................... 31 Métis......................................................... 52 Cambodgiens.............................................. 3 revaccinés. Annamites................................................. 7 Chinois....................................................... 11 Métis.......................................................... 16 T o ta l ................ 2 33 Kompong-Trach, situé à 11 kilomètres de Kas-Thom, est le lieu de résidence du gouverneur de Péam où le médecin vaccinateur trouvera une maison très confortable pour passer la nuit. De Kas-Thom à Kompong-Trach, route pittoresque; à h kilo­ mètres environ de Kompong-Trach, on passe aux pieds d’immenses rochers, véritable chaîne montagneuse. Champs de riz, de poivre; Kompong-Trach est un centre commercial important, grand entrepôt de riz, de poivre et de chaux, où les a n n . d ’ h v g . c o l o n . — A vril-m ai-juin 1898 . I — i 5 218 J. NOGÜÉ. Chinois sont très nombreux. Maison de jeu absolument extraordinaire par ses dimensions, et l’affluence des visiteurs qui viennent y laisser le produit du riz et du poivre. K ab a l- R o m éa s . a mars. Cambodgiens........................................... 924 inoculations. Métis................... '................................... 421 Malais..................................................... 279 T o t a l ............................................ 1,624 La distance qui sépare Kompong-Trach de Kabal-Roméas est d’environ 3o kilomètres. Ce serait une longue étape à faire d’un seul trait. Le mieux est de venir passer les heures de siesle à la pagode de Kompong-Tralach où le médecin vaccinera le soir et passera la nuit. Il y a une salle très bien aménagée, de l’eau douce en abondance, en un mot, toutes les commodités voulues et suffisantes pour le médecin vaccinateur en tournée. J’ignorais l’existence de cette pagode, et voilà pourquoi j’ai fait de Kompond-Trélach et Kabal-Roméas un seul centre. J’avais établi à Kabal-Roméas une séance de contrôle. Malheureusement les ordres n’ont pas été donnés. 3 et 4 mars. Cambodgiens Annamites.. Métis.......... Chinois........ Malais........ K a m p o t.758 inoculations. 77 495 22 532T o t a l . . ........................................ 1 ,884 12 mars. Cambodgiens 48 inoculations. 13 mars. Contrôle. — On n’avait convoqué à cette séance que les enfants habitant dans un rayon de 2 kilomètres, autour de la résidence. MISSIONS DE VACCINE AD CAMBODGE. 2 1 9 621 enfants vaccinés aux dates des 3 et k mars se sont présentés : 612 succès, 9 insuccès. Il résulte des renseignements qui m’ont été fournis par le Résident et le Gouverneur cambodgien de Kampot que le nombre des enfants vaccinés avec succès est considérable, que les insuccès sont rares, enfin que l’effet moral produit sur la population est excellent. C’est ce qui explique le concours extraordinaire de parents amenant leurs enfants à la vaccine. i3 mars. Cambodgiens............................................. 271 inoculations. Métis.......................................................... 38 Malais............................................. 83 Chinois....................................................... 3 Annamites................................................. 9 T o t a l .......................... ; .................. 404 GOLFIÎ DE SIAM ( SRE-ÜMBEL ). 7 mars. Pour se rendre à Srê-Umbel, le médecin vaccinateur prendra la chaloupe à vapeur le Khmer en rade de Kam­ pot. Parti le 6, vers 5 h. 3o du matin, nous étions à Srê-Umbel le soir, vers 6 heures.. C’est le lieu de résidence du gouverneur de la province de Kompong-Som.Cambodgiens Chinois........ Métis.......... 191 inocnlations. 54 67T o t a l .............................................................. 3 i a De Srê-Umbel, nous nous sommes dirigés sur la pointe Sa- mit, où je trouvais plusieurs miliciens malades depuis leur arrivée. Je dus les faire rentrer à Kampot. D’après moi, il n’y a pas lieu de comprendre Samit comme centre de vaccination, mais bien comme point d’excursion où le médecin vaccinateur pourra prendre un ou deux jours de repos. i 5 . 220 J. NOGUÉ. P o in te de S a m i t . 8 mars. Cambodgiens 31 inoculations. 9 mars. Thmâ-Sâr. — Situé au fond d’une baie du golfe de Siam. Parti de Samit à 7 heures du matin, nous étions à Thmâ-Sâr, vers 9 h. 3 o. Pour s’y rendre, il faut laisser la chaloupe en pleine mer, et faire une demi-heure en canot, par suite du manque de fond. Les habitants s’adonnent surtout à la pêche aux crevettes, avec lesquelles ils préparent le Mam dont les Siamois sont très friands. Cambodgiens............................................... 36 inoculations. Chinois 5 Métis........................................................... 14 Annamites................................................... 32 T o t a l 87 9 mars. Sou-nï. — Village de pêcheurs de crevettes, situé sur les bords de la 1 1er, au fond d’une baie envasée; pour s’y rendre, il faut laisser la chaloupe en pleine mer, faire une demi-heure de canot, gagner à pied le rivage, après avoir pataugé dans la vase pendant un quart d’heure. Mais au retour, cet inconvénient n’existe plus, car on se fait transporter au canot en gheluong, petit bateau plat que les indigènes font avancer en le faisant glisser sur la vase. Cambodgiens............................................... 22 inoculations. Métis 28 T o ta l ..................................................... 5 o Le soir, nous allionscoucher à Rong-Salem, où existe un poste de 7 miliciens cambodgiens. Nous arrivâmes sur rade de Rong-Salem vers 5 heures 3o du soir. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 221 Le lendemain matin, nous reprenions la mer et la direction de Kampot. En passant aux îles de la Baie, on a le loisir de ramasser d’excellentes huîtres et, vers 6 heures du soir, on arrive en rade de Kampot. K o m p o n g - S m a c h . 15 mars. Cambodgiens............................................... 64o inoculations. Chinois......................................... 45 T o t a l ................. 685 Parti de la rade de Kampot à 7 heures du matin, débarqué au large de Kompong-Smach (Véabring) à 10 heures. Le vent étant favorable, on met à la voile, et le canot nous amène en 9 h. 3o à Kompong-Smach, village situé au pied des monts Kamchai, dans une vallée très riche en rizières, où des jonques de mer do Kampot, Hatien, Bangkok et Singapore viennent chercher chaque année de grandes quantités de riz. Centre très important où le médecin vaccinateur devra stationner, au moins une journée entière, et où il trouvera un beau campement très bien emménagé. Nous en étions à ce point de notre tournée, lorsqu’une circonstance imprévue nous rappela à Phnom-Penb. Le médecin en chef de l’hôpital était surchargé de travail, le choléra venait de faire son apparition et faisait de nombreuses victimes chez les indigènes. Il nous restait encore à vacciner dans la province de Kampot : Prey-Thnang et Chuc, et dans la province de Bontey-Méas : Préa-Sot, Phnum-Marom et Linh-quinh, tournée de huit jours environ. Cette tournée doit se faire, soit à cheval, soit à éléphant. Linh-quinh est un village situé à cinq heures de jonque environ de Giang-Thanh. Là, le médecin vaccinateur sera au terme de sa tournée de vaccine. Il n’aura qu’à faire donner des ordres pour qu’une jonque soit prête et se faire conduire à Giang-Thanh, où il 222 J. NOGUÉ. devra trouver une jonque pius confortable pour la trave toujours pénible, du canal d’Hatien. Telle est la tournée que j’ai faite, n’ayant établi qu’un contrôle à Kampot-centre. Mais il est aisé de contrôler à K Roméas. D’autres centres de contrôle sont très difficiles à blir, ou bien alors la tournée de Kampot demandera, au m un mois et demi à deux mois. En tout cas, voici la tournée qui s’impose dans la ciscription de Kampot, laissant à nos successeurs le soin d’établir les centres de contrôle qu’ils jugeront nécessaires : TOURNÉE À FAIRE. Thonon ................... Kas-Tbom............... Konipong-Trach. . . . Kompong-Trelach... Kompong-Roméas.. . Kampot.................. Yéal-rinh.................. Kompong-Smach.. . . Srè-l!mliel.............. Thmâ-sa.................. Sou-ni..................... Samit.-................... Prey-Thuang. Cliuc............ Préat-Sot... . Pliuum-Marom Linquinli. . . . Province de Péam. (Charrettes à bœufs, à éléphant ou cbevat. 3 jours.) Province de Kampot. (5 jours.) Province de Kampot. (En mer une journée de chaloupe.) Province de Kampong-Soni. (Dans le golle de Siam, cha­ loupe, de 6 à 7 jours.) Province do Kampot. (Charrettes à bœufs, à cheval ou à élé­ phant. 8 jours environ.) Provincede Bontey-Méas. (Char­ rettes à bœufs, à cheval ou à éléphant. 8 jours environ.) Total des vaccinations faites dans la circonscription de pot : Cambodgiens Annamites . . Métis. Chinois........ Malais........ 3,123 inocul 227 1,146 171 902 T o t a l 5,569 MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 223CHAPITRE X. DE PHNOM—PENH À KOMPONG-SPED À ELEPHANT.----- LA ROUTE DE KOM- PONG-SPEU A OUDONG. ----- TOURNEE DE VACCINE. ----- PATHOLOGIE DES PROVINCES DE PHNOM-SRNOCI1 ET DE SOMRONG-THOM. K o m p o n g - S p e u . — Parti à éléphant de Phnom-Penh, le 3o avril, à 6 heures du matin, je me suis rendu à la pagode de Tuc-Thla, situé sur la route de Phnom-Penh-Kampot près du village de Kompong-Toul, où je suis arrivé le même jour, vers 11 heures. J’ai vacciné de la sorte les trois centres suivants : Pagode de Tuc-Thla; Kompong-Toul; Phum-Anlong-Romiet. Je me suis ensuite engagé à travers la plaine, allant de pagode en pagode, faisant de ces lieux des centres de vaccine où les Cambodgiens amènent assez volontiers leurs enfants. Du reste, les ordres avaient été fort bien donnés dans toute la région que j ’ai parcourue et c’est ce qui explique le nombre assez élevé des vaccinations que j’ai pratiquées. Après avoir vacciné aux trois pagodes de : Tranon-chrung, Prey-Puoch, Trapang-Kong; je suis arrivé à Kompong-Speu, le 3 mai, à 6 heures du soir. Comme moyen de locomotion, je me suis servi d’éléphants et de charrettes à bœufs. A cette époque de l’année où les pluies ont déjà commencé à tomber, le terrain était boueux et glissant. Les éléphants marchaient bien, mais les charrettes avançaient avec peine. Ce sont pourtant les seuls vrais moyens de locomotion. La seule façon de remédier à ce léger inconvénient serait de faire la tournée un peu plus tôt, soit en février ou en mars, ou tout au moins au commencement d’avril. Dans les provinces de Phnom-Srnoch et de Somrong-Thuong, 224 J. NOGUÉ. il n’existe pas de grandes agglomérations. Les villages comptent tout au plus dix maisons et sont assez éloignés les uns des autres. Voilà pourquoi j’ai commencé par réunir à Kompong-Speu- centre tous les villages environnants des deux provinces de Phnom-Srnoch et de Somrong-Tliong, m’étant réservé le soin de me transporter aux trois centres éloignés et importants de Cran-Chek, Bang-Kœi et de Somrong. Je ne suis pas allé dans la province de Tlipong pour plusieurs raisons : i° Elle est très éloignée et située à au moins quatre jours de marche du Kompong-Speu ; 2° Les moyens de locomotion sont très difficiles. De plus il faut faire venir de cette province des éléphants, afin d’être certain d’avoir des guides connaissant bien la route. Or, à l’époque où je m’y trouvais, les routes étaient à peu près impraticables pour les éléphants. En outre la province de Thpong est très peuplée. J’avais projeté de suivre la route de Kompong-Speu à Oudong. Je me suis engagé sur cette route jusqu’à la pagode de Cian- Chek, mais il m’a été impossible de pousser plus loin. Les pluies tombées abondamment dans cette région, depuis une vingtaine de jours, avaient rendu cette voie à peu près impraticable aux charrettes. On suit tout le temps un chemin sous-bois, coupé à chaque instant par de profonds ravins à pic et très difficile à franchir. Et comme la route est complètement défoncée, les roues et les essieux des charrettes cassent très facilement. Il se produisit pour tous ces motifs une lenteur considérable dans la marche du convoi. Les étapes étant assez longues, ce voyage était donc à peu près impossible, et j’ai dû suivre les conseils des autorités cambodgiennes, qui me dissuadaient d’entreprendre ce long voyage, à cette époque de l’année. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 225 TOURNÉE DE VACCINE. P agode de T u c - T h la . T o t a l ............................................ 86 V illage de K o m p o n g - T o u l . T o t a l 107 V illa ge de P ln tm - T u lo i ig - R a m ic t . 1" mai. Cambodgiens............................................. 38a inoculations. Métis......................................................... T o t a l .................................................... 15 3 9 7P a g o d e de T ra n o n - C h u n g . 2 mai. Cambodgiens............................................. 352 inoculations.P a g o d e de P r e y - P u o c h . 3 mai. Cambodgiens............................................. 338 inoculations.P agode de T ra p a i ig - K o n g . 3 mai. Cambodgiens............................................. 393 inoculations. P rovince de P lm o m - S rn o ch (K o m p o n g - S p e u ). 5 mai. Cambodgiens.............................................. 447 inoculations. Métis......................................................... 72 T o t a l ................................................ 519 P rovince de S o m r o n g - T h o n g (K o m p o n g - S p eu ). 6 mai. Cambodgiens.................................... 451 inoculations. 226 J. NOGUÉ. 7 mai. 7 mai. 8 mai. 8 mai. 10 mai. 11 mai. 11 mai. 12mai. 12mai. 13 mai. 14 mai. P ro v in ce de S o m r o n g - T h o n g (K o m p o n g - S p e u ). Cambodgiens............................................. a69 inoculations. P rovince de P lm o m - S rn o ch ( K o m p o n g - S p e u ). Cambodgiens............................................. 56 inoculations.P ro v in ce de P lm o m - S r n o c h ( K o m p o n g - S p e u ) . Cambodgiens............................................. 371 inoculations.P rovince de S o m ro n g - T h o n g ( K o m p o n g - S p e u ) . Cambodgiens............................................ g5 inoculations. P rovince de S o m r o n g - T h o n g ( P a g o d e de C r a n - C l ie k ). Cambodgiens............................................. 61 a inoculations. P rovince de P lm o m - S r n o c h (K o m p o n g - S p e u ). Cambodgiens............................................. 387 inoculations.P rovince de S o m ro n g - T h o n g [ K o m p o n g - S p e u ) . Cambodgiens............................................. 1 7 a inoculations.P rovince de P h n o m - S rn o c h . Cambodgiens............................................. ' 116 inoculations.P rovince de S o m ro n g - T h o n g . Cambodgiens............................................. i45 inoculations.P rovince d e S o m ro n g - T h o n g ( cen tre de B a n k - L œ i ) . Cambodgiens............................................. 69 a inoculations.P rovince de P lm o m - S rn o c h . Cambodgiens.................................... 176 inoculations. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 227 P a g o d e de S o m ro n g . Cambodgiens................................. i,365 inoculations.Soit un total de 6,952 inoculations, qui se répartissent de façon suivante : Cambodgiens........................................... 6 , 785 Annamites.................................... U Métis........................................................ i64 T o t a l , 6,g5aCONTRÔLE.\ous avons essayé, mais en vain de faire à Kompong-Speu contrôle, aussi complet que possible, des enfants que nous ns vaccinés. \ cet effet, nous avions fait convoquer à Kompong-Speu- tre, le \ h mai, tous les enfants que nous y avions inoculés. 7 seulement nous ont été présentés. Sur ce nombre, 12 ne sentaient aucune trace d’inoculation. Tous les autres portent de superbes pustules en voie d’évolution. Chez la plupart, oculation remontait à 7 ou 8 jours. 1 est de notre devoir de signaler un engorgement très proicé des ganglions de faisselle chez un enfant et un engorgement relatif chez six autres enfants. D’après le dire des parents, l’inoculation aurait déterminé mouvement fébrile quotidien chez beaucoup d’enfants inoés. les autorités indigènes que nous avons interrogées nous ont ’mé que les enfants amenés aux séances de vaccination ient été inoculés avec un plein succès, que les populations léclaraient enchantées du passage du médecin vaccinateur, ue, si on n’avait pas amené à cette séance de contrôle un >grand nombre d’enfants, il fallait mettre cette abstention le compte d’une crainte pusillanime, qui faisait croire aux 228 J. NOGUÉ. parents que leurs enfants allaient servir de sujet d’expérience chirurgicale ou autre. Des renseignements qui nous ont été donnés par les autorités indigènes des provinces, il résulterait que, lors de notre séjour à Kompong-Speu, il y avait du choléra dans la province de Somrong-Thom, mais le nombre des cas était assez restreint et la maladie ne présentait pas de caractère d’épidémicité grave. L’an dernier, c’était la province de Phnom-Srnoch qui était éprouvée par cette maladie et, cette année, aucun cas ne s’y était encore produit. Comme dans tout le reste du Cambodge, il y a parfois dans ces deux provinces quelques cas de variole, mais cette affection ne prend jamais de caractère épidémique grave. Laissant de côté les affections cutanées qui sont ici, comme partout ailleurs, assez nombreuses; je puis signaler comme affections intéressantes que j ’ai observées : Une déformation thoracique énorme chez un enfant de dix ans; Une tumeur du testicule chez un enfant de six à sept ans (kyste du cordon); Plusieurs cas de becs de lièvre (neuf) chez des enfants qu’on présentait à l’inoculation; Une fistule dentaire de date très ancienne (neuf ans) chez un homme âgé, ayant déterminé une malformation de la joue droite, avec induration des tissus; Un cas de tuberculose pulmonaire chez une femme mariée depuis peu. La grossesse nous paraît avoir réveillé cette affection latente. Je signalerai encore un grand nombre d’affections oculaires: conjonctivites de toutes sortes, kératites, ulcérations de la cornée, abcès, phlegmons de la paupière et enfin de nombreux cas de cécité absolue. J’ai encore été frappé par le nombre assez considérable de hernies ombilicales (treize), observées chez des enfants en bas âge. Le paludisme ne m’a pas paru exercer de grands ravages dans les deux provinces que j’ai parcourues. Mais il paraîtrait MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 229 que cette affection est très fréquente dans la province de Tlipong. CHAPITRE XI. L’ÎLE DE KSACH-KANDHAL. ------ NOMBREUSESVACCINATIONS. C’est au mois de septembre 1896 que nous avons, pour la première fois, importé la pratique jennérienne dans cette île située sur le Mékong à huit milles de Phnom-Penli. En deux jours nous avons procédé à 639 inoculations, sa­ voir: Cambodgiens............................................. 551 inoculations. Chinois..................................................... 15 Métis......................................................... 7 3 T o t a l ..................................... 639 Pour des raisons absolument indépendantes de notre vo­ lonté, nous avons dû à ce moment-là interrompre notre tour­ née si bien commencée, et ce n’est que le 8 juin 189-7 que nous avons visité à nouveau ce point important du grand fleuve. Une heure de chaloupe à vapeur suffit pour aller de Pnorn- Penh à Ksach-Kandal. Le médecin vaccinateur réunira à l’usine les villages environnants et une simple promenade à cheval lui fera visiter, en une journée, toute Pile. Le 8 juin, je vaccinai à l’usine 353 enfants. Le lendemain, je revenais à Pnom-Penh. Le 10 juin, je vaccinai à l’usine les agglomérations impor­ tantes de Pile et j’inoculai i , 3o5 enfants, ce qui faisait avec les inoculations de novembre 1896 un total de 2,277 inoculations. L’élément cambodgien entrait dans chiffre pour 1,690 vaccinations. 2 3 0 J. NOGUÉ.CHAPITRE XII. LES ENVIRONS DE PHNOM-PENH. ----- CHRUOI-CHONGO. LES VILLAGES CATHOLIQUES. ---- BAC-TUC. TAKÉO. Les pluies venant de faire leur apparition et de ce fait rendant les routes à peu près impraticables, le protectorat privé de ses chaloupes qui étaient toutes mobilisées par les autres services, le chef du service à Phnom-Penh me proposa fin juin, pour ne pas laisser chômer le service de la vaccine, de parcourir les environs de la capitale. C’est ainsi que, pendant deux semaines, j’ai parcouru matin et soir les villages environnants, vaccinant, parfois en plein marché. J’ai visité en premier lieu l’île de Chruoi-Chongo située en face de Phnom-Penh. D’importantes scieries, à main ou mécaniques, et un village de pécheurs malais sont situés dans la partie de l’ile qui longe le grand fleuve. En face de Phnom-Penh, c’est une série ininterrompue de villages cambodgiens, chinois, malais et annamites. Enfin, à l’extrême pointe opposée, une chrétienté annamite, avec la résidence d’un Père européen et une église dont le style rappelle surtout le style byzantin. En deux jours j’ai inoculé 852 enfants, savoir: 30 juin- 1" juillet. Cambodgiens. Métis............ Annamites . .. Chinois.......... Matais.......... 2 o 5 i n o c u l a t i o n s . 170 2o3 39 245T o t a l ................................................................. 852 Contrôle le 8 juillet. Le nombre des enfants venus aux séances de contrôle s’élève à 023 ; sur ce chiffre, 17 insuccès seulement. Tous les autres enfants étaient porteurs de fort belles pustules. MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 231 Villages catholiques (rive droite de Tonlé-Sap). — Ce sont des chrétientés annamites dirigées par des Pères européens. La plus rapprochée de Phnom-Penli est le siège épiscopal de l’évêque du Cambodge. Ce sont des villages importants et peuplés; les femmes tissent une soie connue sous le nom de soie du Cambodge qui est assez estimée et fabriquent des sampotes de soie très recherchés. Hôpital indigène très important dirigé par des religieuses. a juillet. Annamites................................................. 186 inoculations. Cambodgiens............................................. 61 Malais........................................................ Annamites................................................. 2 2 36 revaccinés. Total ............................................... 3 o 5 Ce sont les Pères directeurs de ces deux chrétientés qui m’ont fait vacciner ce grand nombre d’enfants. Contrôle le 9 juillet, ühi enfants étaient présents au Contrôle ou ont été vus à domicile. Je n’ai constaté que 9 insuccès. Village de Bac-Tuc. — Village cambodgien situé sur la route de Kampot. Très peuplé, marché important. Au bout de ce village, la résidence provisoire de ttl’éléphant blancu. Ce jeune animal âgé de douze ans avait été donné à S. M. Norodom par le gouverneur du Laos. Un éléphant blanc est un signe de prospérité pour le royaume et de longue vie pour le roi, qui a fait construire en face du palais une demeure digne de ce noble quadrupède que, seule, l’imagination des Cambodgiens a fait blanc. 3 juillet. Cambodgiens............................................. 185 inoculations. Annamites.................................................. 52 Métis......................................................... 96 T o t a l .................................... 333 Contrôle le 10 juillet. Enfants amenés au contrôle: 207. Succès. Insuccès199 8 232 J. NOGUÉ. Village de Takéo. — Le village de Takéo est situé en face des quatre bras; c’est une grosse agglomération cambodgienne avec un marché important, centre commercial digne de remarque; résidence de plusieurs ministres et princes. 4 juillet. Cambodgiens............................................. 259 inoculations. Séance de contrôle le 11 juillet. Enfants présents au contrôle : 187. Succès, 177; insuccès, 10. Quelques jours après, trois cas de variole ayant été signalés à la prison du roi, je vaccinai aussitôt tous les détenus au nombre de 552. TOTAL DES VACCINATIONS FAITES AU CAMBODGE DE SEPTEMBRE 1896 À JUILLET 1897. Cambodgiens................................................ 15,353 Chinois......................................................... 552 Annamites..................................................... 1 , 608 Métis............................................................. 2,464 Malais........................................................... 1,197 T o t a l ........................................................................ 21,174 Prisonniers (prison du roi, Cambodgiens, Chi­ nois et Annamites)................................... 552 T o t a l g é n é r a l .................................................................... 2 1 , 7 2 6 CONCLUSIONS. Au début de mes tournées, j’avais entendu dire que les Cambodgiens étaient ennemis de la vaccination française et qu’il serait très difficile de l’implanter chez eux. 1 faut reconnaître qu’accueillie d’abord avec méfiance dans certaines régions, repoussée parfois par les gouverneurs, elle est entrée aujourd’hui dans une phase de progrès qui ira tous les jours s’accentuant, surtout quand les indigènes auront pu constater dans les pro­ chaines épidémies de variole que les enfants qui ont été vaccinés avec succès sont sortis indemnes du fléau qui a frappé les autres. .MISSIONS DE VACCINE AU CAMBODGE. 233 La pratique jennerienne est donc aujourd’hui bien adrniss par le peuple cambodgien. MM. les résidents de France réclament à chaque instant le me'decin vaccinateur dans leurs circonscriptions. Les gouverneurs combodgiens eux-mêmes, quand leur service les appelait à Phnom-Penh, venaient fort souvent chez moi me prier d’aller vacciner dans leurs résidences. il est un point capital que le médecin vaccinateur ne devra jamais perdre de vue : le Cambodgien est très doux, très craintif, très timoré; il devra toujours et en toules circonstances user envers lui d’une extrême douceur et ne jamais employer la violence. Du reste, il ne faut pas oublier que le Cambodgien n’aime pas à être battu et que le frapper à la tête, c’est lui faire la suprême injure. Le médecin vaccinateur devra, dans ses moments de loisir, apprendre dans la mesure nécessaire la langue cambodgienne. Il entrera en relations directes avec les indigènes qui seront très heureux de pouvoir causer avec lui sans recourir à un interprète, qui traduit à sa guise et qui abuse parfois de sa minime autorité auprès des malheureux indigènes, ainsi que j’ai pu m’en assurer. Au Cambodge, le médecin vaccinateur usera de tous les moyens de transport: pirogue, chaloupe à vapeur, charrettes à buffles, à bœufs, cheval, éléphant. Tous sont bons; il faut savoir quels sont les mieux appropriés aux régions à parcourir. Il est essentiel qu’il ne manque jamais une séance de vaccinations pour ne pas déranger inutilement les indigènes. Les séances de contrôle seront au début très difficiles à établir, les naturels ne comprenant pas qu’ils aient à ramener leurs enfants une deuxième fois, du moment qu’ils ont été vaccinés avec succès. Si je n’ai pas établi plus souvent de séances de contrôle, c’est que le temps m’a manqué. Un médecin devrait être exclusivement chargé du service de la vaccine. Cette réforme s’impose à brève échéance, si on ne veut pas perdre le fruit des premières vaccinations et si on veut arrêter au Cambodge les ravages de la variole. a n n . d ’ i i ï g . c o l o n . — A vril-inai-juii) 1 8 9 8 . I — 16 23 4 CRIES. Ces tournées de vaccine peuvent être considérées comme un des meilleurs moyens de propagande française. D’un naturel très doux et soumis, le Cambodgien préférera volontiers la protection française au despotisme de ses gouverneurs. Bien souvent après ces longues séances de vaccination, des indigènes, des gouverneurs eux-mêmes m’exprimaient de di­ verses façons leur reconnaissance. Ils me trouvaient très bon, très doux envers eux et leurs enfants. Aussi rien 1 e m’était ménagé et c’était à qui préviendrait mes désirs ou mes besoins. En terminant, je n’ai qu’un regret, c’est de n’avoir pu tracer les itinéraires de toutes les tournées de vaccine dans ce beau royaume du Cambodge. J’aurais ainsi facilité la tâche à mes successeurs, mais le temps m’a fait défaut.

Citer ce document

NOGUÉ, “NOGUÉ. Contribution à la géographie médicale. Missions de vaccine au Cambodge. Chapitre premier. Le Cambodge — ses habitants — la variole au Cambodge à l'état endémique — épidémies fréquentes. Annales d'hygiène et de médecine coloniales (1898), p. 169-234,” RevColEurop, consulté le 5 mai 2024, https://revcoleurop.cnrs.fr/ark%3A/67375/2CJR5P9k2WnX.

Formats de sortie

Géolocalisation