KOCH. Observations médicales faites sous les tropiques. Annales d'hygiène et de médecine coloniales (1898), p. 368-396
Identifiant
ahmc_1898_p_368_396
ark:/67375/2CJhfZFVhBB4
Auteur
KOCH
Personne
Discipline
Médecine et hygiène coloniales
Type de données
Ressources textuelles
Langue du document
Français
Nom abrégé de la revue
Annales de médecine coloniale
Nom détaillé de la revue
Annales d'hygiène et de médecine coloniales
Editeur de la revue
Imprimerie nationale Octave Doin, place de l'Odéon, Paris
Date de parution
1898
Nombre de pages
29
Pathologie
fièvre
paludisme
quinine
piroplasmose bovine
maladie infectieuse
empoisonnement
contagion
anémie
apyrétique
bleu de méthylène
confusion
fièvre continue
handicap visuel
hypertrophie
hémoglobinurie
malaise
morsure
médicament
peste bovine
pic de fièvre
signe fonctionnel
syndrome grippal
Coordonnées géographiques
[-25,135#Australie]
[22,79#Inde]
Licence
Licence ouverte - BIU Santé (Paris)
URI fascicule
https://www.nakala.fr/nakala/data/11280/a4a63bb7
URI document
https://api.nakala.fr/data/10.34847/nkl.d35cb8lq/ff187e7bcccf41d243aa8ca075b90b90dab836ec
Cle
ahmc_1898_p_368_396
Fichier Texte
368 OBSERVATIONSMÉDICALES FAITES SOLS LES TROPIQUES, parM.KOCH. Je vais brièvement citer les exemples suivants, afin de montrer à quoi est exposé, dans les conditions actuelles, le colon des tropiques : Il y a quelques années, trois robustes jeunes gens vinrent dans l’Afrique orientale pour y fonder une ferme sur les bords du lleuve Kingani. Leur santé resta bonne durant trois semaines; puis, successivement, ils contractèrent la fièvre dans l’intervalle de quelques jours. Us languirent quelque temps et durent, en définitive, être transportés à l’hôpital de Bagamaya. D’après les rapports établis au lazaret, deux d’entre eux avaient l’air très affaibli ; ils étaient blêmes et d’un aspect cadavéreux. Quant au troisième, homme autrefois énorme et fort, il fut réduit « à l’état d’un spectre tremblant». Heureusement, les soins réguliers du lazaret parvinrent à les rétablir. Mais à peine OBSERVATIONS MÉDICALES. 369 eurent-ils repris leurs forces qu’ils abandonnèrent la vie de fermiers pour retourner en Europe sur le premier navire en partance. J’ai pu observer moi-même un cas analogue : Sept trappistes s’étaient rendus dans les montagnes d’Usumbara à l’effet, d’y fonder une mission. Quelques-uns tombèrent malades avant d’atteindre les hauteurs, d’autres, peu de temps après leur arrivée. Tous avaient contracté la fièvre des tropiques, tenace et récidivante. Deux moururent, troisdurent être rapatriés et les deux derniers ne purent se débarrasser complètement de la malaria, même après six semaines de séjour dans les montagnes. Le gouverneur Liebert communique le fait suivant dans un rapport récent sur son expédition au Kilimandscharo : Parmi les quelques Européens qui furent obligés de stationner dans la vallée de Luengera pour des travaux d’arpentage, deux succombèrent, victimes du climat marécageux; plusieurs durent être rapatriés et d’autres furent dirigés sur le lazaret de Sanga. Les désastres occasionnés par la malaria ne sont pas toujours aussi considérables; mais ils sont assez importants pour me convaincre que nous ne pourrons pas jouir de nos colonies avant de nous être rendus maîtres de cette maladie. L’expérience acquise à l’égard d’autres affections nous apprend que ce but ne sera atteint que lorsque nous connaîtrons l’essence intime de la malaria, les lois qui président à son origine et à sa propagation. Je me propose d’exposer ici les données que nous possédons à ce sujet. Mais, avant d’aborder la question du paludisme, je vais décrire succinctement une autre maladie qui, sous bien des rapports, ressemble beaucoup à la malaria. Étant mieux étudiée en somme, elle est susceptible d’élucider plusieurs points obscurs relatifs à l’étiologie de la lièvre palustre. Cette maladie est la fièvre du Texas qui frappe les troupeaux de bovidés sur les côtes orientales de l’Afrique. Elle y détermine d’assez graves préjudices et, par cette raison seule, elle offre un certain intérêt colonial pratique. A i\n. d ’ h y u . c o l o n . — Jullet-Aout-Sept. 1898 . 1 —- j5 3 7 0 Koch . Ce n’est pas au Texas qu’on a d’abord observé cette affection comme son nom porterait à le supposer, mais bien dans les États de l’Amérique du Nord. 1 se fait un élevage très prospère de bestiaux au Texas, grand centre d’exportation pour les États septentrionaux. Or, on observa que le moindre contact entre les bestiaux de la première région et ceux de la seconde provoquait la maladie chez ces derniers, alors que les premiers ne présentaient aucun symptôme morbide, ni avant, ni après. Ce n’est même pas un contact direct qui est nécessaire pour engendrer la maladie, mais simplement le passage d’un troupeau des États du Nord dans une prairie traversée peu auparavant par un troupeau du Texas. Les éleveurs et les marchands avaient depuis longtemps présumé que cette étrange contagion était due aux tiques, acariens qui accompagnent presque toujours les bestiaux du Texas. Pendant longtemps on ne sut rien sur l’essence de cette maladie, jusqu’au jour où, finalement, M. Smith réussit à résoudre le problème. Il observa que le sang des animaux atteints de la fièvre du Texas contenait un parasite siégeant dans les globules rouges. Son aspect est très caractéristique; on le reconnaît si aisément que l’examen de quelques globules sanguins suffit pour établir le diagnostic de la maladie. Il est faiblement piriforme et c’est en raison de cette apparence qu’on Ta désigné sous le nom de Pirosoma; en outre, étant donné qu’un globule renferme presque toujours deux de ces parasites on les qualifie par la dénomination de Pirosoma bigenùmm. Smith (trouva dans la suite que la maladie peut être transmise par le sang contenant ces parasites. II suffit d’en injecter une petite quantité sous la peau d’un animal à l’état normal pour lui communiquer l'affection. De plus, il constata quesi un des animaux inoculés (la majorité succombe) survit à la maladie,il devientréfractaireaux inoculations ultérieures de OBSERVATIONS MÉDICALES. 371 sang d’animaux malades. Il a donc acquis une immunité complète. Les bestiaux venus du Texas ne contractent pas la maladie après inoculation du sang d’animaux malades; ils sont par conséquent déjà réfractaires à leur arrivée. Nous ne devons pas cependant conclure qu’ils le sont naturellement. Ils appartiennent à la même espèce bovine et il n’existe pas de différence sensible entre les bestiaux du Texas et ceux des États du Nord-Amérique. Nous ne pouvons-nous expliquer l’immunité dont jouissent les bovidés du Texas qu’en les supposant jusqu’à un certain point réfractaires par hérédité et du fait qu’ils ont du contracter la maladie dans leur jeune âge, mais à un degré si atténué qu’elle est passée inaperçue. Smith fit ensuite des expériences sur le rôle que jouent les tiques dans la transmission de la maladie. Il fit venir du Texas des animaux infectés par ces acariens et les mit en contact avec les bestiaux de l’Amérique du Nord. La contagion se produisit. Par contre, quand il avait eu soin de débarrasser complètement les bœufs du Texas de leurs tique savant de les mettre en relation avec ceux du Nord, ces derniers ne contractaient pas la maladie. Dans une troisième expérience, Smith répandit les tiques seules dans une prairie où il lit paître des bœufs appartenant aux États du Nord. Ces animaux prirent la fièvre du Texas, ce qui démontre bien (pie ce sont les tiques qui transmettent l’infection. Il fit encore une expérience d’infection par de jeunes tiques issues de celles du Texas, mais qui elles-mêmes n’avaient eu aucune relation avec des animaux malades. Il mit ces acariens en contact avec des bœufs du Nord et leur communiqua la fièvre. Je dois ajouter que cette dernière expérience n’a pas trouvé crédit auprès d’observateurs compétents. 151e semble quelque peu bizarre et, de plus, ne lut pas faite dans (les conditions irréprochables. Après qu’on eût découvert le Pirosoma bigeminum et, par suite,le moyen siiret facile defairele diagnostic dela maladie, 372 KOCH. on la rechercha dans d’autres pays et l’on ne tarda pas à l’y rencontrer. Ce fut d’abord dans l’Afrique méridionale. On ignore comment elle s’y est introduite; peut-être y est-elle endémique depuis une époque reculée.On l’a ensuite observée en Australie où elle a pénétré évidemment avec le bétail américain. Elle existe en Roumanie, dans les environs du Danube. On l’a rencontrée, il y a deux ans, dans la campagne romaine. On se trouve ici en présence de circonstances particulièrement intéressantes. En effet, le bétail n’est pas exporté de la campagne romaine comme il l’est du Texas; mais, par contre, on a essayé d’y introduire des bestiaux suisses el lombards.Or, dès que ceux-ci furent mis en contact avec les troupeaux romains, ils contractèrent la fièvre du Texas et succombèrent. Enfin, j’ai prouvé l’existence de cette maladie dans l’Afrique orientale allemande; elle y règne sur toute la côte. D’après les renseignements que j’ai pu recueillir, elle s’étend au loin vers le Sud, à travers toute la région portugaise. Je crois donc quelle n’est pas isolée dans l’Afrique méridionale, mais quelle se trouve en connexité avec ce long foyer. Elle n’est pas récente sur notre côte, elle y sévit depuis des siècles. Les indigènes la connaissent depuis longtemps et leurs ancêtres ne l’ignoraient pas non plus, à ce qu’il parait. Les symptômes de cette maladie, sur la côte orientale d’Afrique, correspondent tout à lait à ceux de la fièvre du Texas en Amérique. Chez les bœufs africains j ’ai trouvé les mêmes parasites que ceux décrits dans la fièvre du Texas. Après avoir démontré l’existence de cette affection en Afrique, je me suis imposé de reprendre les recherches de Smith sur la transmission de la maladie par les tiques. Le temps me faisant défaut pour refaire toutes ces expériences, je me suis borné à l’observation si intéressante ayant trait aux jeunes tiques : cette expérience corrobore d’ailleurs toutes les autres. Je l’ai exécutée de la manière suivante : Je pris, dans un troupeau infecté, des tiques provenant, d’une part, d’animaux bien portants, d’autre part, d’un animal gravement atteint. Les tiques furent placées dans des bocaux séparés; elles y déposèrent leurs œufs et les jeunes acariens se OBSERVATIONS MÉDICALES. .373 développèrent bientôt après. Je transportai ces derniers à Kwai dans l’Usambara occidentale, à dix journées de voyage de Daressalam, endroit où j’avais recueilli les tiques adultes. J’évitais ainsi toute objection possible d’une infection fortuite provenant de la région où règne la maladie. La fièvre du Texas n’a, en effet, jamais existé à Kwai ni aux environs : toute cette contrée est indemne. Avec toutes les précautions imaginables, je mis les jeunes tiques en contact avec des animaux neufs. Deux, puis trois semaines se passèrent sans amener aucun changement dans l’état de ces derniers. Je commençais à perdre l’espoir d’obtenir un résultat, quand le vingt-deuxième jour après [que j ’eus mis les tiques en rapport avec les animaux neufs, ceux-ci prirent la maladie. J’examinai aussitôt leur sang et j’y trouvais le Pirosomubigeminum. Il est remarquable que, seuls, les bœufs infectés par les tiques recueillies sur les bêtes malades contractèrent l’affection tandis que ceux mis en contact avec les tiques prises sur les animaux d’apparence normale ne contractèrent pas la fièvre du Texas. De la sorte j’obtins, pour ainsi dire, une expérience de contrôle qui, par cela même augmente la portée de tout l’ensemble des faits acquis. Après que les animaux infectés par les jeunes tiques provenant de bœufs malades eurent pris l’affection, j’inoculai leur sang à d’autres bœufs bien portants. J’obtins ainsi plusieurs passages, ce qui me mit en possession de toute une série d’animaux infectés par la fièvre du Texas. Le fait capital est qu’ils résistèrent tous à cette maladie. Cependant plusieurs succombèrent ultérieurement, mais ce furent lesfaibles entretous. On avait choisi, pour l’expérience, des animaux sans valeur : jeunes ou faibles. Les autres avaient contracté une forme extraordinairement bénigne de la fièvre du Texas. Cela était d'autant plus happant que je m’étais servi d’un matériel provenant d'un animal très gravement atteint. Je m’explique ce fait par l’affaiblissement des jeunes tiques à la suite des quatorze journées de voyage sous le soleil africain si brûlant. Les parasites contenus dans ces jeunes tiques avaient dû souffrir également 3 7 4 KOCH. ce qui explique l’atténuation de leur virulence. En réalité, la plupart des jeunes tiques avaient succombé pendant le voyage et les quelques survivantes purent, seules, servir à mes expériences. Les bœufs guéris furent infectés une seconde fois par le sang d’animaux malades; ils ne réagirent en aucune façon. La maladie, supportée par eux, les avait donc rendus complètement réfractaires. Mais on pouvait naturellement supposer que celle immunité n’existait que contrela forme atténuéede la fièvre du Texas que j’avais obtenue par hasard dans mes expériences. Je me demandai alors si cette immunité, probablement restreinte, existait aussi contre la maladie grave de la côte. Pour m’en rendre compte, j’y envoyai des animaux immunisés qu’on fil paître, dans une même prairie, avec les troupeaux contaminés. Les bœufs immunisés ne prirent point la fièvre du Texas. Comme ils s’étaient jusqu’ici montrés réfractaires,je leur injectai du sang d’un bœuf gravement atteint de cette affection; ils résistèrent encore tous, sauf un qui avait très faiblement réagi lors de la première inoculation et dont l’immunité, par suite, était aussi très faible. Ainsi, j’avais réussi à conférer l’immunité artificielle à un certain nombre de bœufs contre la fièvre du Texas. Je suis donc profondément convaincu que l’on peut arriver à vacciner efficacement les troupeaux contre cettemaladie,en poursuivant ces expériences faites jusqu’ici d’une façon sommaire. En tout cas, mes expériences prouvent la possibilité du transport duparasitepar les descendants des tiques,ce qui, à mon avis, est un fait d’une très grande valeur scientifique, étant donné que ce mode de transmission peut avoir lieu dans d’autres maladies aussi bien que dans celle-ci. Je fais allusion icila malaria, car elle présente beaucoup de faits analogues à ceux que nous avons vus dans la fièvre duTexas. Après avoir exposé ce qui précède, je reviens à la fièvre paludéenne. La malaria est une maladie ou plutôt un groupe de maladies répandu sur tout le globe. Seuls, les climats froids sont épar- OBSERVATIONSMÉDICALES. M b {j-nés. Chez nous (en Allemagne), cette affection sévit dansles vallées marécageuses, particulièrement sur les côtes. La malaria endémique est très nettement caractérisée. Elle évolue notamment par accès strictement séparés les uns des autres. Ils débutent par des frissons, puis la température s’élève et c’est enfin par des sueurs que les accès se terminent. On se rend très bien compte de l’évolution de la maladie par la représentation graphique des températures du malade. En indiquant surla ligne horizontaleinférieure la températurenormale de87°,nousla suivons en ligne,avec delégèresoscillations jusqu’au débutdel’accès.Dèsquecelui-ci commence, la températuremonte brusquementde37° à 40°, 41° etmêmeau-delà,pour retomber ensuiteaussibrusquement.Aprèsl’accès,quidure4 ,6 ou8heures auplus, la température redevient normale. En supposant que l’accès dure un jour, nous voyons que le lendemain la température est normale.Ceci a lieupourla fièvre tierce, la plus répandue chez nous;elleprésenteconstammentunjourafébrile(librede fièvre)entrachaqueaccès. Le troisième jour, latempérature remonteetretombeaussibrusquementquelepremier.Ces alternativespeuvent se produire pendant des jourset souvent des semaines. On a fréquemment observé qu’une seconde fièvre, à accès analogues, vient se combiner à la première. En représentant sa courbe graphique par des lignes pointiliées eten supposant que ses accès correspondent justementaux jours afébriles de la première fièvre, nous obtiendrons le tracé ci-dessous :Il Il en résulte une fièvre dans laquelle les accès surviennent non pas tous ,les deux jours, mais journellement. On désigne cette forme sous le nom de fièvre quotidienne, en opposition à 376 KOCH. la fièvre tierce, mais en réalité ce n’est qu’une fièvre tierce double. Dans nos pays,la malariane constituepas un danger immédiat pour l’existence et elle se laisse facilement vaincre par la médication. Mais plus le pays est méridional, plus les fièvres y sont graves et rebelles; souvent même elles y sont mortelles. C’est surtout le cas en ce qui concerne les contrées méditerranéennes : l’Italie (notamment la campagne romaine et la Sicile), la Grèce, l’Algérie, etc. Cette forme grave de la malaria ne sévit toutefois que durant une partie de l’année relativement courte, ordinairement à la fin de l’été et en automne. C’est pour ce motif que les Italiens l’ont surnommée fièvre estivo-automnale. Dans les pays tropicaux, la malaria est encore plus intense. Elle yest plus fréquenteetse montresous sa formela plus grave, forme pernicieuse qui sévit pendant presquetoute l’année. On y redoute surtout lafièvre appeléer bilieuse hématurique»,quiatteint,pourainsidire,le comble de la gravité. Dans cette fièvre,il se produit une sorte de décomposition du sang : les globulesse désagrègent, l’hémoglobineest dissoute dans leliquidesanguin;éliminéeparlesreins,ellecolore l’urineenbrun-rougefoncé,presquenoir.D’oùlenomde fièvrer ;iurine nome».Cette forme esttrès souvent mortelle. Lafièvredestropiquesn’évolue pasaveclarégularitéde nos fièvres endémiques; elle suit au contraire une marche très irrégulière.D’aprèslesrapportsdesmédecinsexerçantdans ces régions, il serait impossible d’en faire une description précise. Tantôt elleprésenteuneélévation detempératurecontinue,sanslesinterruptionscaractéristiques :c’est laforme désignéesouslenomdefièvrecontinue;tantôtsoncours est marqué pardes rémissions irrégulières:c’est la fièvre »à rémission»; tantôt elle revêt la forme-de la fièvre quotidienne; enfin elle est quelquefois tout à fait irrégulière. Ce n’est que récemment qu’un médecin français, M. Laveran, a élucidé la question de l’essence de la malaria en découvrant un parasite dans le sang des sujets atteints de cette affection.Maisc’estàdessavantsitaliensquenousdevons (IliSERVATIUNS MÉDICALES. 377 l’étude approfondie du parasite de la malaria, lis ont suivi les phases de sondéveloppementavecuneattentioninfatigable et beaucoup d’habileté. Je vais exposer très brièvement les résultats qu’ils ont obtenus: Dans la fièvre tierce, c’est-à-dire dans la fièvre endémique, ils observèrent à un certain moment l’apparition, dans quelques globules rouges, d’un organisme minuscule dont la mobilité extrême permettait de croire à la présence d’un parasite vivant. Il se présente sous la forme d’un anneau un peu renflé sur un point. © On a comparé l’aspect de ce parasite à un anneau à cachet. 1 s’accroît assez vite. Au bout de peu de temps, il perdsa forme annulaire, devient un peu plus compact et prend des formes irrégulières par suite de ses mouvements amiboïdes. Il se produit plus tarddans son contenu de petites granulations et de petites stries pigmentaires. Le parasite continue à s’accroître et atteint bientôt à peu près la dimension d’un globule rouge sanguin. Arrivé à cette phase de développement, il subit assez brusquement une transformation surprenante : le pigment, jusqu’alors régulièrement répandu dans toute la masse du parasite, se concentre et constitue un amas brun-noir; un certain nombre de granules formés par la division de la substance propre duparasite,se groupent autour de ce noyau.1yen a généralement de i 5 à 20. On a donné à celte transformation le nom erroné de sporulation. Les granules ne sont pourtant pas des spores, mais bien des jeunes parasites qui s’attachent bientôt de nouveau aux globules sanguins et y subissent le même cycle de développement. Les savants italiens ont communiqué ce qui suit sur la relation de ces parasites avec les accès de la fièvre tierce : 378 K O C H . En étudiant le sang à l'apogée de l’accès fébrile, onne trouve que les jeunes parasites d’aspect annulaire; quelque temps après l’accès, on voit seulement de plus gros parasites ayant perdu cette forme. Us grossissent encore pendant la période afébrile et atteignent leur limite de croissance unpeu avant l’accès suivant. La sporulation a lieu juste au commencement de l’accès. Si l’on rencontre dans le sang d’un malade des formes de sporulation, on peut en conclure que l’accès va débuter immédiatement, ou qu’il vient de débuter. Si, par contre, on trouve la forme annulaire, c’est que l’accès est à son acmé, et ainsi de suite. Il se peut qu’on rencontre deux phases différentes de développement du parasite : des jeunes et des adultes. Dès lors , il faut en conclure qu’on est en présencede deux générations et qu’on a affaire non pas à la fièvre tierce simple, mais à une fièvre tierce double. Cet exemple montre avec quelle précision on peut diagnostiquer l’étal du malade d’après l’examen seul de son sang. Les savants italiens ont également étudié les formes malignes de la fièvre paludéenne : la fièvre estivo-automnale. Ils ont trouvé que le parasite de cette maladie diffère notablement de celui de la fièvre tierce. C’est ainsi que, dans la fièvre estivo-automnale, on ne rencontre que la forme annulaire. On n’a pas pu établir jusqu’ici la relation de ce parasite avec l’évolution deslièvres malignes, et cettequestion esttoutentière à élucider. Plusieurs médecins coloniaux ont trouvé le même parasite annulaire dans les fièvres tropicales. En dehors decefait, nous ignorons entièrement la relation existant entre le parasite de ces fièvres et celui de la malaria. Ainsi se présentait la question au début de mes études sur cette affection. Avant de vous en parler, je dois faire observer que les laits obtenus par moi ne concernent directement que l’Afrique orientale allemande où se sont opérées mes recherches. Mais j’ai eu fréquemment l’occasion d’examiner des préparations provenant d’autres pays; en outre, je connais la littératureyrelativeet diversesconversationsm’ontmisau OBSERVATIONS MÉDICALES. 379 courant de faits nombreux. Je crois pouvoiren conclureque les conditions de ces autres pays tropicaux ne diffèrent pas essentiellement de ce que je vais communiquer. J’ai trouvé quatre espèces diverses de malaria dans l’Afrique orientale allemande. Deux d’entre elles étant très rares, je les laisserai de côté. Des deux autres, l’une correspondexactement à notre fièvre tierce, avec cette seule différence que la fièvre tierce double, rare chez, nous, est très fréquente là-bas. N’ayant rencontré aucune dissemblance ni dans l’évolution, ni dans les symptômes, ni entre les parasites de ces deux maladies, je suis convaincu qu’il s’agit de la même fièvre tierce. Mais cette forme ne représente que to p. 100 dutotaldes fièvres malariques, tandis que l’autre en constitue 90 p. 100. Elle correspond sous tous les rapports à ma description antérieure de la fièvre tropicale, de sorte que je n’hésite pas à la considérer comme identique à cette dernière. Nous ne connaissions, dans la fièvre tropicale, ni les accès réguliers, ni le développement du parasite. La question se posait donc devant moi d’élucider ces points de manière à obtenir à ce sujet des notions aussi claires que celles exposées par les savants italiens en ce qui concerne la malaria. Dans ce but, j’ai d’abord essayé de préciser l’évolutionde la fièvre tropicale. Je ne crois pas qu’un seul médecin exerçant aux colonies ait vu évoluer normalement cette affection, étant donnée l’habitude d’administrer la quinine à tout malade fiévreux aussitôt qu’on le suppose malarique. Il est dès lors bien évident que l’évolution ultérieure de la fièvre est déviée. J’ai pourtant réussi à observer un certain nombre de malades non traités par la quinine, du moins aussi longtemps que le permit leur état. A mon grand étonnement, je constatai bientôt que, dans ces conditions, la fièvre tropicale avait une évolution beaucoup moins irrégulière et était beaucoup plus typique qu’on ne le croyait jusqu’ici. Elle présente des accès aussi réguliers et aussi typiques que ceux observés dans notre fièvre tierce; seule, la courbe des températures est quelque peu différente. Je vais en donner le graphique afin d’élucider au plus vite la question. 380 KOCH. La lièvre tropicale ne débute pas, comme c’est le cas pour la fièvre tierce, par un frisson intense, mais bien par des frissons légers et un malaise général. La température s’élève brusquement, mais, au lieu de s’abaisser de même ainsi qu’on le constate dans la fièvre tierce, elle reste pendant quelque temps à un niveau élevé. Ce n’est que le lendemain matin qu’un certain abaissement se produit, abaissement correspondant à la rémission matutinale observée dans toutes les maladies fébriles. La température se maintient entre 3gn et ko° jusqu’au deuxième soir, à partir du début de l’accès; alors seulement survient un brusque abaissement, qui termine cet accès. Dans nos fièvres endémiques, la température s’élève autant que dans les fièvres tropicales, mais chaque accès est beaucoup plus court : il a une durée de k à 8 heures au lieu d’en avoir une de 36 heures environ. La fièvre tropicale présente aussi le type tierce, mais la longueur de chacun de ses accès ne laisse qu'un court repos au malade; souvent l’intervalle existant entre les accès n’est que de quelques heures. J’insiste sur ce fait que je n’ai rencontré aucune exception à ce type d’accès dans la malaria. Je ne comprends sous le nom de malaria que l’affection provoquée par le parasite malarique. Dans la grande majorité des cas, la confusion est précisément due à ce que, sous les tropiques, on prend pour de la malaria toutes sortes de maladies étrangères à cette affection. C’est ainsi que je n’ai jamais observé de «fièvre continue» qui put être considérée comme étant de la malaria pure. On pourrait peut-être admettre la fièvre à rémission, en OBSERVATION'S MÉDICALES. 381 supposant lesaccès assez rapprochéspourne pas donnerlieu à une intermission complète. Je n’ai pas non plus trouvé de vraie fièvre quotidienne. Dans tous les cas regardés comme tels, l’examen microscopique démontra qu’on avait affaire à une fièvre tierce double. Ainsi que les savants italiens l’avaient établi pour notre malaria endémique, j ’ai réussi à démontrer le fait de la régularité dans le développement du parasite. En examinant le sang aussitôt après l’élévation de la température, on rencontre notamment de toutes petites formes annulaires qui ont un diamètre environ six fois plus faible que celui d’un globule rouge et dont le contour est très fin et régulier. Cependant il présente quelquefois un ou deux renflements en forme de bouton. À l’apogée de l’accès, on ne trouve que ces petites formes annulaires, et ce n’est que vers la fin de l’accès qu’elles commencent à grandir. Elles deviennent plus grosses, mais l’anneau a encore l’air d’être formé par un trait de plume régulier et net. Ce n’est qu’après l’abaissement delatempérature et à la fin de l’accès qu’on rencontre tout à coup une quantité de grands corps annulaires, caractérisés non seulement par leur grandeur, mais aussi par l’épaississement d’un point de l’anneau eu forme de cachet. On suit cette évolution toute régulière du parasite aussi sûrement dans la fièvre tropicale que dans la fièvre tierce. Lorsque je voyais les gros corps annulaires, je pouvais toujours affirmer non seulement que le malade avait la malaria, mais encore que son accès venait de finir et qu’il devait s’attendre à l’apparition de l’accès suivant, dans quelques heures. Si, au contraire, je trouvais les petits corps annulaires, je pouvais toujours dire que le malade était à l’apogée de son accès de fièvre tropicale. Dans le sang, habituellement retiré d’undoigt, je n’ai pas vu de formes à sporulation, mais j’en ai surtout rencontré dans la rate. Ces formes ressemblent beaucoup à celles de la fièvre tierce; toutefois leur dimension est bien moindre. 382 KOCH. Voilà donc l’évolution du parasite de la fièvre tropicale tout aussi bien étudiée aujourd’hui que celle de la fièvre tierce. La corrélationrégulière existantentre le développement du parasite et la courbe de la température a une très grande portée, eu égard au traitement de la fièvre tropicale. Nous savons que, pour triompherà coupsûr dela malaria,ondoit donner la quinineàdesépoquestrèsprécises.L’expériencedémontre qu’ilfaut l’employer quatreousix heures avant l’accès.Nous connaissons actuellement la raison d’être de cette règle, autrefois empirique. La quinine ne détruit pas les parasites, comme onl’asouventcru,maiselleen empêchele développement. C’est pourquoi nous devons nous attaquer au stade le plus sensible de l’évolution du parasite, qui est précisément celui delà sporulation. En mettant obstacle à cette sporulation, nous évitons la productiond’une nouvelle génération de parasites. De plus,cestadereprésenteletermedel’évolution: leparasiteétantdétruit à ce moment, le maladeenest débarrassé. Celte période sensible peutêtretrès facilement déterminée danslafièvretierce,oùlasporulation correspondaudébut de l’accès. La quinine, pour avoir une action d’arrêt, doit donc être administrée quelques heures à l’avance. Ce point de repère manquait complètement en ce qui concerne la fièvre tropicale. Ou ne pouvait jamais préciser ni le début, ni la fin de l’accès. Le médecin était par conséquent obligédedonner la quinine tout à fait à l’aveugle. Ainsi quej ’aipu leconstater, c’estce quisefaittrèsconsciencieusementsouslestropiques. Dès qu’un maladeestsupposé malarique, on lui administre de la quinine et,pourêtre sûr de tomber juste,elle est donnée le matin,à midi et le soir, généralementà ladose quotidienne de î gramme. J’ose espérer que cette quininothérapie barbare, excusable d’ailleurs puisqu’on ne savait pas comment procéder, va être abandonnée dès à présent. En effet, on sait maintenant avec précision lemomentoùl’onpeutatteindre,dansson stadesensible, le parasitedelafièvre tropicale: ce moment est surtout celui où le sang contientles gros corps annulaires. J’aistrictementsuivi cetterègleet jepuisaffirmer que je n’ai pas eu un seulcas d’insuccès.Un examen microscopique OBSERVATIONS MÉDICALES. 383 permet toujours de déterminer aisément et d’une façon précise l’instant où il faut faire prendre la quinine.Une seule dose suffit alors pour couper la fièvre tropicale avec autant, peut- être même avec plus de sûreté que la fièvre tierce. Parmi mes malades, j’ai pourtant eu à enregistrer deux décès; mais les deux malariques qui les ont fournis étaient déjà mourants quand je les vis pour la première fois. Je suis persuadé qu’ils auraient guéri aussi bien que les autres, si on les avait examinés et traités seulement un jour plus tôt. Ainsi, nous voyons que la fièvre des tropiques peut être facilement diagnostiquée et guérie. Néanmoins, le médecin ne saurait regarder sa lâche comme accomplie : la fièvre tropicale a la désagréable propriété de récidiver presque régulièrement. Les récidives se déclarent après dix, quatorze jours, souvent même aprèstrois ou quatre semaines. Relativement aux récidives, je voudrais noter un fait concernant les sanatoria. 1 est bien indifférent, pour la santé du malarique, qu’il réside dans une région infectée ou indemne, par exemple dans les montagnes, sur la plage ou même sur un navire rentrant en Europe. Tant que le parasite n’aura pas disparu de l’organisme, la maladie récidivera n’importe où. J’ajouterai que les rechutes seront tout aussi graves dans les régions indemnes que dans les régions infectées. Je n’ai jamais vu de différence sous ce rapport et je crois, par suite, que les sanatoria installés dans des localités exemptes de malaria ne présentent aucun avantage pour les malades atteints de cette affection. Comme mesure préventive, il n'y a que l’emploi de laquinine. Jedoismalheureusement avouer que, pour prévenir les rechutes, je ne puis indiquer de règles aussi certaines que pour le traitementdes accès. Mes observations ont été trop limitées pour aboutiràdes résultatsprécis.Ce que jepuisaffirmer, c’est que les doses de quinine1 e doivent pas être faibles;on ne devrait paslesprescrireau-dessousd’un gramme,niau-delà de cinq jours d’intervalle. Je conseille donc de donner un gramme tous les cinq jours, et cela durant un mois à un mois etdemi;autrementonexposeraitlemaladeà unerechute. J’ai mêmevudesrécidivesmalgré ce traitement, mais 384 KOCH. elles étaient relativement légères et courtes et finissaient par céder à l’emploi ininterrompu de la quinine. Je crois, en conséquence, que ce mode d’administration du médicament, dirigé contre les récidives, constitue un minimum que nous ne devons pas réduire. Toutefois, pour donner à notre ligne de conduite un solide point d’appui, il faudrait encore faire à ce sujet des expériences multiples, car il serait de la plus haute importance de pouvoir agir contre les récidives aussi sûrement que contre les accès. Ce qui vient d’être dit relativement nu moyen deprévenir les rechutes peut aussi bien s’appliquer à l’administration prophylactique de la quinine. Au fond, les conditions sont les mêmes, que l’individu ait conservé de son accès quelques parasites ou qu’il soit infecté pour la première fois. C’est pourquoi je conseillerais d’employer le même moyen, qu’il s’agisse de prophylaxie ou de prévenir une rechute : dans l’un ou l’autre cas, il faut faire prendre ungrammedequininetousles cinq jours. Je n’ai pas vu, dans ces conditions, une seule personne contracter la malaria. Mais ici de nouvelles expériences sont encore nécessaires. Dès que, grâce aux moyens indiqués, la fièvre a disparu, la convalescence est extrêmement rapide. J’ai souvent été frappé de la promptitude avec laquelle un individu, quoique récemment et gravement atteint, reprenait sa besogne une fois la fièvre éteinte et conservait peu de traces de sa maladie. Je n’ai jamais constaté, à la suite d’une malaria diagnostiquée et traitée à temps, ni l’anémie tropicale, si redoutable, ni l’hypertrophie de la rate, ni un état maladif. Il va sans dire qu’il n’est pas ici question de cas non soignés ou négligés. Après ce qui vient d’être avancé sur la facilité du diagnostic et sur la sûreté du traitement de la fièvre tropicale, on conçoit que celle-ci ne me semble plus redoutable, et j’espère qu’avant peu cette opinion sera partagée par les autres médecins. En l’étudiant de plus près, je suis arrivé au même résultat en ce qui concerne la forme la plus redoutée des fièvres tropicales : la fièvre bilieuse hématurique. Cette forme ne se rencontrepasexclusivementsouslestropiques;ellen’est point OBSERVATIONS .MÉDICALES. 385 rare en Italie et serait assez fréquente en Grèce. Ce sont même les médecins grecs qui, les premiers, ont attiré l’attention sur ce fait que ce n’est pas la malaria seule, mais aussi la quinine, qui joue un certain rôle dans la production des symptômes de cette affection. Des médecins italiens l’ont également affirmé et quelques praticiens exerçantsouslestropiques,notamment nos médecins coloniaux allemands, se sont rangés à cet avis. Malgré tout, on n’a pu se défaire de l’opinion que la malaria y jouait le rôle principal. Mes recherches m’obligent pourtant à affirmer que la fièvre bilieuse hématurique n’a aucun rapport direct avec la malaria et qu’en général la première de ces maladies n’est due qu’à une intoxication par la quinine. J’en ai rencontré moi-même un assez grand nombre de cas, j’aipris de tous les côtés des renseignements à ce sujet et j’ai consulté les ouvrages traitant de cette affection. Or, je dois déclarer que jusqu’ici je ne connais pas d’exemple permettant de pouvoir éliminer sûrement la possibilité d’un empoisonnement par la quinine. Les malades, il est vrai, nient quelquefois qu’ils en aient fait usage, mais il ne faut pas toujours se fier à leurs déclarations. Grâce à une enquête approfondie, j ’ai constamment pu démontrer qu’un empoisonnement par la quinine avait eu lieu. Je n’ai jamais pu trouver de parasites dans les cas typiques de fièvre bilieuse he'maturique, tandis que je les ai toujours rencontrés dans tous les cas de malaria tropicale. Ilfaut donc admettre que les parasites malariques ne sont pas indispensables pour produire la fièvre bilieuse hématurique. Leur présence peut n’être qu’une simple coïncidence. Je ne veux pourtant point dire qu’il ne peut y avoir de fièvre bilieuse hématurique sans intervention de la quinine. C’est ainsi que nous connaissons des cas d’hémoglobinurie provoqués par des poisons végétaux, certains produits chimiques et même un simple refroidissement. Il est possible que de pareils faits se présentent sous les tropiques. Je veux dire seulement que les cas typiques de fièvre bilieuse bématurique, regardés comme étant de la malaria, ne sont généralement que des cas d’empoisonnement par la quinine. Je dois malheureusement limiter a n n .d ’ h y g .c o l o n .—Juillel-août-sept. 18 9 8 . ] -- 2Ü 380 K O CH . l’exposé des motifs de mon assertion : ils sont tous de nature purement médicale et une analyse circonstancielle rne mènerait trop loin; mais on peut se fier à la déclaration que mes arguments sont probants. Je suis convaincu que la fièvre bilieuse hématurique disparaîtra de la liste des maladies tropicales proprement dites le jour où l’on admettra mes idées à ce sujet et dès que les médecins exerçant dans les pays tropicaux administreront la quinine avec plus de précaution, la remplaçant dans certains cas par d’autres remèdes, tels que l’arsenic ou le bleu de méthylène. Si j’ai réussi à prouver que la malaria tropicale, diagnostiquée avec exactitude et soignée comme il convient, n’est pas plus redoutable que noire malaria endémique, je dois avouer que ce résultat, seul, ne me satisfait pas encore. Je suis hygiéniste et il y a en hygiène un principe élémentaire : c’est qu’il vaut mieux prévenir les maladies que les traiter. Je voudrais donc pouvoir appliquer ce principe à la malaria. Nous ne devons pas nous reposer avant d’avoir trouvé le moyen préventif à diriger contre cette affection, ou du moins avant d’être amenés à admettre que nos ressources actuelles ne nous permettent pas d’aller plus loin. Mais, pour avancer dans cette voie, nous devons d’abord connaître l’origine de la maladie et ses moyens de contamination; nous devons savoir comment le parasite pénètre dans notre organisme afin de pouvoir l’en empêcher; nous devons être très bien orientés sur la propagation de la malaria afin de pouvoir au moins l’éviter, si nous ne trouvons rien de mieux pour lutter contre elle. En ce qui concerne les voies d’infection, il n’y en a que deux: l’eau et l’air. L’infection directe par l’injection du sang d’un malarique est également possible, ainsi que Gerhard l’a démontré le premier; mais on ne rencontre pas ce mode d’infection dans la nature. Si la malaria se transmettait d’un individu à un autre, celte affection serait contagieuse; on ne pourrait placer un malarique au milieu d’autres malades, par crainte de les contaminer. OBSERVATIONS MÉDICALES. 3 8 7 L’affection ne peut donc être transmise que par voie indirecte et, dès lors, ce n’est que par l’eau ou par l’air que les principes infectieux peuventêtre transportés. Beaucoup d’arguments s’élèvent contre la possibilité de la contamination par l’eau.On a épuisé tous les moyens destinés à fournir des preuves suffisantes en faveur de ce mode de contamination sans pouvoir y arriver, et toutes les observations communiquées jusqu’ici ne résistent pas à une critique sérieuse. Les observateurs italiens ont essayé de résoudre directement la question en faisant boire de l’eau provenant de localités malariques. Leurs expériences donnèrent des résultats négatifs et servirent ainsi en même temps à établir la preuve directe que la contamination ne peut se faire par l’eau. Je n’ai moi-même jamais rencontré de faits appuyant celte théorie. Il ne reste donc plus à admettre que la voie aérienne. Il est cependant impossible que des organismes aussi fragiles et délicats, aussi appropriés à la vie de parasites du sang que le sont les parasites malariques, puissent résister à la dessiccation et être transportés par l’air, à l’état de poussière, d’un malade à un individu bien portant. En outre, la question du mode par lequel le parasite passe du sang dans l’air reste complètement obscure. Nous sommes donc obligés de chercher une autre explication qui permettedesupposer letransport du sang intact et du parasite qui y est contenu; par suite, ce dernier n’est pas exposé à une dessiccation si dangereuse pour lui. Dans ces conditions seulement, il lui serait possible de passer de l’organisme dans l’air et d’être transporté de nouveaudans le sang d’un autre individu. Il n’existe, dès lors, qu’une supposition correspondant à ces conditions : c’est le transport par les insectes qui sucent le sang, comme les moustiques. Beaucoup de faits parlent en faveur de celte théorie, que je désignerai sous le nom de « théorie des moustiques». Je ne veux pas vous les énumérer tous; je me contenterai de citer les suivants : L’infection malarique ne seproduitpresqueexclusivement 2 6 . 388 K O CH . que la nuit; or, c’est précisément le moment du vol des moustiques, qui sont des insectes franchement nocturnes. Dans beaucoup de régions, la malaria ne sévit que pendant certains mois de l’année, et ce sont toujours ceux pendant lesquels pullulent les moustiques. Je n’ai jamais observé cette affection dans les régions où les moustiques font défaut : je citerai plus loin des exemples à cet égard. Cellethéorieestsurtoutappuyée surce fait,récemment observé, que plusieurs maladies duesà des parasites sanguins sontindubitablementtransmisespardes insectessuceursde sang. Je veux vous rappeler à ce sujet la maladie du Tselsé que j’ai fréquemment observée chez les bovidés, dans l’Afrique orientale. Elle est duc à un parasite sanguin (non des globules rouges, mais du sérum) et ce sont les mouches du Tselsé qui la transportent. Celte maladie ne sévit que là où ces mouches existent. Il est démontré qu’un autre parasite sanguin, leTilariasan guinis, est transmis par les moustiques. Mais ce sont surtout les découvertes faites en étudiant la lièvre du Texas qui ont servi la théorie des moustiques. En ce qui concerne cette dernière maladie, nous avons une preuve absolument incontestable du transport du parasite par un aca- rien suceur de sang. A la suite de ces faits, de plus en plus nombreux, appuyant la théorie des moustiques, tous les savants ayant de la compétence dans la question qui louche à la malaria ont été obligés d’y adhérer. Il est bien évident que ce n’est encore qu’une théorie, mais les probabilités sont tellement en sa faveur qu’il est indispensable de résoudre expérimentalement cette question, d'une manière ou d’une autre. J’attache la plus haute importance à la preuve expérimentale de la théorie des moustiques, car elle mettrait à notre disposition un fil conducteur 1res précis pour la conduite à suivre. Dans le cas où cette expérience serait entreprise, j’insiste sur ce fait qu’il n’est pas exact de supposer que la malaria soit transportée par un moustique provenant directement d’un malade et se posant ensuitesur un individu bien portant, auquel OBSERVATIONSMEDICALES. .'189 il inoculerait le parasite à l’aide de sa trompe. S’ilen était ainsi, la malaria devrait être directement contagieuse, ce qui n’est pas. Il faut donc chercher une autre explication. La contamination ne doit pas non plus avoir lieu, comme le supposent les auteurs anglais, par le transport dans l’eau, du sang malarique, transport effectue par les moustiques. Dans ces conditions, l’eau serait le véhicule de l’infection, ce qui n’est pas admissible, ainsi que nous l’avons vu précédemment. Il ne nous reste donc plus qu’à supposer des conditions analogues à celles que nous avons observées dans la fièvre du Texas. Les moustiques absorbent les parasites, les transmettent à leurs œufs et aux jeunes larves, et c’est seulement la génération suivante qui porte à l’homme l’infection malarique. Il ne me semble pas inadmissible que les parasites puissent se transmettre à travers plusieurs générations de moustiques. Quand un homme est infecté par la malaria (admettons que cette infection ait lieu par un moustique), il ne contracte pas aussitôt la maladie. La croyance inverse est une erreur contre laquelle j ’ai eu souvent à lutter. On a souvent prétendu que l’affectionéclateaussitôt après l’intervention d’une cause quelconque, par exemple après qu’un individu a été trempé par la pluie ou après une partie de chasse dansune région marécageuse.Uneéclosionsi brusque de la maladie est impossible. En effet, l’infection ne peut s’effectuer queparquelquesparasitesàlafois,et ceux-ci nesedéveloppent pas comme les bactéries, c’est-à-dire en se dédoublant en quelques heures : il faut quarante-huit heures aux parasites delamalariapourque leur premièredivisionait lieu. Leur nombre peut être alors vingt fois plus considérable qu’auparavant. Une nouvelle division ne seproduira que quarante-huit heures après, et ainsi de suite. Par conséquent, le nombre des parasites ne s’accroît pas assez vite pour déterminer en peu de jours un grave accès de fièvre. La preuve qu’il y a un intervalle plus long entre l’infection et l’éclosion de la maladie est fournie par ce fait que les passagers des navires qui ne sont restés que très peu de temps en contact avec des régions malariques ne contractent lamaladie 390 KOCH. que plus tard. Ce délai constitue la période d’incubation, qui est de 10 à 14 jours pour la malaria. Nous voyons par-là que cinq à sept générations de parasites ont dû se développer pour arriver à produire l’éclosion vraie de la maladie. Si nous voulons obtenir des renseignements probants sur la propagation de la malaria, nous devons toujours tenir compte de la durée de l’incubation et de la possibilité d’une récidive; car, si quelqu’un contracte cette affection ou meurt dans une région, cela ne prouve pas que celle-ci soit infectée. Par contre, la localité peut être très saine et le malarique peut avoir contracté sa maladie dans une autre, regardée jusqu’ici comme salubre. Si, par exemple, un individu quitte la côte pour les montagnes d’Usambara et s’il a été infecté sur celte côte, ce n’est pas là qu’il aura la malaria, mais bien en arrivant dans la montagne. Dans un cas pareil, on commettrait une grande erreur en incriminant les montagnes. On obtient les renseignements qui suivent sur la propagation de cette maladie dans l’Afrique orientale, en tenant compte de l’incubation et des récidives : La malaria règne sur toute la côte, et je n’ai pas pu y constater un point plus salubre qu’un autre. Il semble que ce soient surtout les embouchures des fleuves qui offrent le plus de danger, comme le delta de Rufiji. La malaria sévit ensuite sur le parcoui’s des fleuves; elle est endémique partout où il y a des marécages mais son lieu d’élection(et j’insiste là-dessus)est au pied des montagnes. Le même fait a été observé aux Indes, au pied de l’Himalaya, par exemple. Là, existe une région où s’écoulent les lleuves provenant des hauts sommets et formant un réseau dans la plaine marécageuse. Cet endroit, nommé Terai, constitue la région malarique la plus dangereuse que l’on connaisse. Nous trouvons des conditions analogues au pied des montagnes de l’Afrique orientale; je crois du moins pouvoir l’affirmer en ce qui concerne les montagnes d’Usambara, et je suppose que le Vilimandjaro est également entouré à sa base par un réseau de terres malariques. Il existe quelques petites îles de l’Afrique orientale qui sont OBSERVATIONS MÉDICALES. 391 indemnes de malaria — Choie entre autres — située à la pointe méridionale de Mafia et que j ’ai visitée. C’est le seul point de la côte où les moustiques manquent complètement et où l’on ne soit pas obligé de se servir de moustiquaires. II n’y a certainement pas là une simple coïncidence. De mêmequeles moustiques,lamalaria ne serencontre pas dans les montagnesàpartir d’une altitude de1,200 mètres, ou àpeu près.À cette hauteur,leclimat diffère totalement de celui des steppes etdela côte; les nuits y sont assez fraîches, la température s’abaissant à i5° et même au-dessous. Les montagnes occidentales d’Usambara présentent des conditionssemblables.Encequiconcerne lamalaria, jepense donc qu’elles sont propres à la colonisation. Je les ai habitées pendant plusieursmois et jepuisaffirmer qu’elles réunissent d’excellentes conditions hygiéniques à tous les pointsde vue : climat, eau,etc.Jeregrettedenepouvoir m’étendre davantage sur cette question de colonisation; cela m’éloignerait trop de mon sujet. Pourtant, afin d’éviter tout malentendu, j’insiste sur ce fait qu’il est indispensable,pour ceux qui voudraient se livrer à une telle entreprise, de s’entourer de certaines précautions. La montagne est bien indemne, il est vrai; mais la roule quiy conduittraversedesrégions malariques.Si l’oneffectuaitle voyage sans précautions, on s’exposerait à subir le sort des sept trappistes dont j ’ai parlé au début de ma communication et qui contractèrent tous une malaria très grave. Au contraire, en se servant de moustiquaires et en prenant de la quinine à titre préventif, 01 peut atteindre les hauteurs sans contracter la fièvre, ainsi que mon expérience personnelle le prouve. Afin d’avoir de plus amples données sur cette importante question, j’ai récemment demandé l’envoi dans cette région de cinq trappistes munis d’instructions médicales. Ils furent pourvus de moustiquaires et prirent régulièrement de la quinine. Or, ils atteignirent les montagnes en conservant une santé parfaite et, si mes informations sont exactes, ils continuent à s’y bien porter. Ce fait constitue une expérience qui est en quelquesortela contre-partiedecelle fournieparle voyage 3 9 2 KOCH. des sept premiers trappistes, expérience qui confirme mes dires et démontre la nécessité des moustiquaires et du traitement prophylactique par la quinine. J’aborde maintenant une question toute nouvelle et de haute importance. Existe-t-il une immunité contre la fièvre tropicale analogue à celle que nous avons constatée à propos de la fièvre du Texas? La science et tous les observateurs l’ont nié jusqu’ici. Mes observations m'obligent cependant à donner une réponse affirmative sur cette question, et voici mes raisons : Les médecins expérimentés exerçant sous les tropiques ont déjà signalé la tendance qu’a la fièvretropicaleàs’affaiblir peu à peu et même à disparaître sans l’intervention de la quinine. Mes observations confirment cette manière de voir; en outre, si l’on veut bien se reporter à la courbe des températures d’un malade non traité par la quinine, courbe reproduite ci-dessus, on constatera qu’elle indique une atténuation progressive aboutissant à la disparition de la fièvre. La maladie ne se termine pas généralement après une seule série d’accès : des récidives surviennent; une nouvelle série d’accès éclate après une période de 10 à 20 jours, mais en présentant cette fois un caractère de moindre gravité. On peut ainsi observer encore plusieurs séries d’accès qui cessent à leur tour et sont suivis d’accès isolés très faibles, avec une température atteignant à peine 38°. J’ai moi-même observé des faits semblables chez des Européens qui, n’ayant pas employé la quinine pour des raisons quelconques ou qui, ayant été mal soignés, présentaient une malaria graveetdatantde loin. Il ne subsistait chez eux de cette affection que des accès très écourtés et on ne rencontrait qu’à grand’peine dans leur sang quelques parasites isolés prouvant qu’onavaitbien affaireà une fièvre malarique. Autre argument : Il n’existe point de race humaine ayant une immunité naturelle. J’ai vu des Nègres et des Européens, des Hindous et des Chinois atteints de la malaria, et pourtant on rencontre sous les tropiques des groupes entiers de populations qui ne souffrent pastrop de la fièvre tropicale.Onne OBSERVATIONS MÉDICALES. 3 9 3 peut expliquerce faitqu’enadmettanticiune immunitéacquise, mais acquise par voie d’hérédité. Je puis le démontrer par l’exemple suivant concernant les nègres : Les nègres des montagnes d’Usambara ne sont pas réfractaires à la malaria, bien qu’ils appartiennent àlamême souche que ceux de la côte; or, ces derniers jouissent de cet avantage. Le mschamba, nègre montagnard, connaît très bien sa susceptibilité vis-à-vis de la malaria; il sait qu’illuisuffit de quitter ses montagnes et de se rendre dans la plaine, les steppes ou même sur la côte, pour contracter la fièvre. Il donne à cette affection le nom de rcmbouv et dit l’avoir acquise du fait de la morsure d’insectes s’appelant également « mbou n, et habitant la plaine. Les nègres montagnards infectés par la malaria en souffrent souvent pendant des mois et il n’est pas rare qu’ils en meurent. Toutefois,ceux qui ont survécu peuvent sans crainte retourner à la côte; ils n’y contractent plus la malaria, ou s’ils en sont atteints une seconde fois ce n’est que faiblement : la résistance à la maladie les aimmunisés contre elle. Le nègre delà côte est, au contraire, réfractaire dès sa naissance. Je pense que celle immunité s’acquiert d’une façon analogue à celle relative à la fièvre du Texas. Lesancêtres étaient déjà devenus réfractaires et leurs descendants ont hérité, à un certain degré, de cette immunité; en outre, ils ont subi dans leur jeune âge les atteintes d’une forme légère delà malaria et sont devenus ainsi réfractaires eux-mêmes. J’ai observé le même fait chez les Hindous. Ceux qui viennent pour la première fois sur les côtes orientales de l’Afrique sont extraordinairement sensibles à la malaria, et c’est précisément parmi eux que j ’ai rencontré les formes les plus graves de la malaria tropicale. Néanmoins, on trouve sur les côtes africaines des milliers d’Hindous qui n’ont plus du tout l’air d’être incommodés par celte affection. 1 en est de même des Arabes. On l'apporte des faits à peu près de même ordre concernant les Chinois de Sumatra : les coolies récemment arrivéssonttrèssensibles àlamalariaet 3 94i K OCH. beaucoup y succombent. Ce n’est qu’après un certain temps de séjour à Sumatra qu’ils perdent cette susceptibilité; ilssont alors très appréciés et mieux payés que les coolies nouvellement débarqués. Tous ces faits me permettent de ne plus avoir aucun doute sur l’existence d’une immunité malarique. Cependant je ne conseille à personne de mettre à profit ces observations en vue de recourir à ce mode d’immunisation : il serait trop dangereux. Mais la connaissance d’une immunité naturelle nous permet d’entrevoir avec raison la possibilité d’une immunisation artificielle. On peutm’objecter que pour immuniser artificiellement, il fautavant tout savoircultiverle parasite.Cette objection ne tient pas debout. En effet, il existe plusieurs maladies dont les parasites nous sontinconnus et contrelesquelles on anéanmoins réussi à procurer une immunité artificielle. C’est le cas delavariole :leparasitedecetteaffectionestinconnuet pourtant nous avons un vaccincontre elle. Il en est de même de la rage, et j’ai réussi à trouver deux moyens efficaces d’immunisationcontre la peste bovine dont le parasiteest ignoré. Ainsi, la constatation d’une immunité possible vis-à-vis d’une maladie (et c’est le cas pour la malaria) nous permet de concevoir l’espérance de trouver une immunisation artificielle contre celte même maladie. Nous en sommes actuellementassezloin, et ona le droit de me demander quelles sont les mesures à employer aujourd’hui contre la malaria dans les colonies. II est de mon devoir de répondre que je ne suis pas partisan des moyens ordinairement conseillés, comme le dessèchement des marais, les plantations d’eucalyptus ou autres arbres : le dessèchement des marais serait trop coûteux et la plantalalion d’eucalyptus n’est qu’une plaisanterie. En revanche, je considère comme indispensable etonne peut plus important à l’heure actuelle d’entretenir aux colonies un nombre suffisant de médecins intelligents et ayant des connaissances approfondiessur la malaria,de manière àce que OBSERVATIONS MÉDICALES. 3 9 5 toute personne, atteinte de cette affection maigre' les précautions prises, puisse en être débarrassée à bref délai. Je ne conseillerai pas d’apprendre aux gens dépourvus d’instruction médicale à faire le diagnostic de la malaria et à la traiter; car, n’ayant point l’expérience du microscope et de l’administration de la quinine (qui est beaucoup moins simple qu’on ne le croit), ils pourraient commettre de graves erreurs. Je compte bien plus sur les avantages qui résulteraient d’instructions données aux personnes étrangères à la médecine sur les dangers de l’abus de la quinine, sur l’importance d’une prompte intervention médicale, sur l’utilité des moustiquaires bien comprises, et peut-être même sur l’usage prophylactique de la quinine. On peut aussi prendre actuellement une mesure très utile, qui consiste dans l’amélioration des habitations. L’expérience démontre en effet que la malaria est beaucoup moins à craindre dans les appartements bien aérés (chambres à coucher, etc.), que dans ceux où l’air est stagnant, les moustiques préférant ces derniers, ainsi qu’il résulte de mes observations. Les habitations de l’Afrique orientale allemande ne répondent pas à ce besoin d’aération;elles sontconstruitessur lemodèlearabeetnesontpassuffisammentventilées.La .maison anglo-indoue, nommée rrbungalow», et dont j ’ai souvent pu apprécier les avantages, représente un type bien plus rationnel en tant qu’habitalion coloniale. Mes recherches sur la malaria présentent encore de nombreuses lacunes, ainsi que je l’ai fait ressortir à plusieurs reprises au cours de cette communication. Certaines questions traitées ne le sont qu’à litre provisoire et exigent des études complémentaires. J’ai néanmoins la certituded’avoirouvert des voies inconnues, d’avoir indiqué un but nouveau en ce qui touche l’étude de cette affection. Je termine en exprimant le vœu que les faits par moi découverts trouvent une application pratique et que mes efforts soient secondés. Si nos espérances au sujet des recherches à venir sur la malaria se réalisent, —ce dont je ne doute pas, — si nous parvenons définitivement à nous rendre maîtres de 396 MIQUEL. celte maladie, le résultat obtenu équivaudra à une conquête pacifique des plus belles et des plus fertiles régionsdela terre. Combien grands sont les efforts tentés en vue de découvrir les mystères que recèle le pôle nord ou le pôle sud, les conditions physiques et celles de la vie animale du fond des mers! Infiniment plus importante est, pour l’humanité, l’étude ultérieure de la malaria.
Collection
Citer ce document
KOCH, “KOCH. Observations médicales faites sous les tropiques. Annales d'hygiène et de médecine coloniales (1898), p. 368-396,” RevColEurop, consulté le 21 novembre 2024, https://revcoleurop.cnrs.fr/ark%3A/67375/2CJhfZFVhBB4.